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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 janvier [1843], lundi soir, 4 h. ½

Depuis que tu es parti, mon bien cher bien-aimé, je n’ai été occupéea qu’à compter de l’argent, qu’à en envoyer dans toutes les directions et qu’à écrire à presque tous ceux à qui j’en envoyais. D’abord le propriétaire, 186 francs, Madame Marre avec une lettre pour elle et pour Claire [57 francs 60 C  ?], la mère Lanvin avec la reconnaissance 6 francs. Puis enfin la réponse à mon beau-frère et la lettre affranchie et une caisse d’eau de Cologne de huit francs pour toi. Tout cela, les [618 francs  ?] de l’assurance mis de côté, me laisse à la tête de 12 francs ! Plus un mal de tête sterling que je donnerais bien pour rien à ceux qui voudraient m’en débarrasser. Toutes ces occupations m’ont pris mon temps et mon argent. C’est à peine s’il me reste assez de jour pour t’écrire ce gribouillis ; et ma toilette ni la tisaneb ne sont faites. Je suis dans un état hideux. J’ai une horreur de la plume et de l’encre que rien ne peut décrire. Cette nécessité de tout faire par correspondance m’a donné un dégoût et une horreur pour tout ce qui est écriture qui ne se peut concevoir. Bien entendu, que je ne parle pas des gribouillis que je te fais tous les jours. Ce n’est pas de l’écriture, c’est de l’amour sous forme de pattes de mouches, voilà tout. Pauvre ange, je passerais ma vie à te griffonner des divagations passionnées comme je passe ma vie à t’aimer, à t’admirer et à t’adorer. Mais ce qui m’est odieux c’est l’écriture à Mme Marre, à Mme-ci, à Mme-là. Pour ceci, pour cela. Que le diable emporte ce débordement d’écriture. J’en ai cent millions de pieds par-dessus la tête. Cependant je ne suis pas au bout car j’ai un tas de comptes et de relevés à faire. Je ne sais pas comment je m’en tirerai mais ce ne sera pas pour ce soir toujours. Maintenant si j’étais sûre de te voir bientôt je serais la plus heureuse des femmes. Pauvre ange, si tu vas chez ton chancelier [1], prends garde au mauvais temps et ne reviens pas trop tard. Pense que je t’attends et que chaque seconde qui s’écoule me paraît une heure tant mon impatience est grande, tant mon cœur a besoin de te voir. Je baise tes chères petites pattes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 51-52
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « occupé ».
b) « tisanne ».

Notes

[1Il s’agit certainement du duc Étienne Pasquier avec lequel Hugo entretenait des relations suivies.

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