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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 janvier [1843], samedi soir, 7 h.

Mon Dieu que c’est triste de te voir triste, mon adoré, et combien je suis malheureuse de ne pouvoir pas t’ôter tous les affreux soucis qui t’assiègent dans ce moment-ci. J’espérais que cette année nous affranchirait à tout jamais de tous les ennuis et de tous les tourments de la précédente et voilà qu’au contraire, à peine est-elle commencée qu’elle nous en montre de toutes les couleurs. Je conserve pourtant encore quelque confiance en elle et j’espère qu’elle ne sera pas aussi méchante pour nous qu’elle veut le paraître en commençant. D’abord notre cher petit Toto va se dépêcher d’expectorer son rhume et qu’il n’en soit plus question d’ici à une huitaine de jours. Quant aux autres tracasseries, le bon Dieu y pourvoiraa. Le principal est que ce cher petit soit hors d’affaire encore une fois.
J’ai étrenné mon année ce matin avec vous, il était bientôt temps, j’espère. Enfin c’est fait. Il faut espérer que pour l’avoir été tard (étrennée), elle n’en sera que meilleure tout le reste. Il faut un peu se confier au bon Dieu car je crois que la défiance appelle le malheur.
J’ai un mal de tête excessif, il faut tout mon courage pour y résister comme je le fais. Si je ne luttais pas de toutes mes forces, je tomberais terrassée par lui. Cela tient à ce vilain temps pourri probablement. D’ailleurs c’est là mon infirmitéb été comme hiver et réciproquement. J’ai 25 jours par mois d’affreux maux de tête. Il faut vivre avec son ennemi, dit-on, mais c’est une vilaine compagnie que le mien.
Pauvre ange, je me plains à toi d’un petit bobo, en somme, pendant que tu es en proie à de véritables inquiétudes. Cela n’a pas le sens commun. Je te demande pardon, mon adoré, de te conter mes doléances tandis que tu as l’esprit et le cœur tout remplis de tristesse. Pardonne-moi mon cher amour, je suis une vieille bête.
Reviens bien vite sécher tes chers petits pieds et te reposer auprès de moi, mon pauvre amour. Je t’aime de toute mon âme. Tu le sais bien, n’est-ce pas ? Tu sais bien que je donnerais ma vie pour toi et pour tous ceux que tu aimes ? Tu le sais, n’est-ce pas mon adoré, parce que c’est bien vrai !

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 21-22
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « pourvoiera ».
b) « infirmitée ».

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