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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 mai 1854

Jersey, 19 mai 1854, vendredi matin, 8h., 6 h. du soir

Tu vois, mon cher adoré, par la date première de ce gribouillis que j’ai eu l’intention de le rédiger de bonne heure, mais la question économie m’en a empêchée à ma grande bisque. La nécessité d’utiliser le feu allumé est arrivéea assez mal à propos à la traverse de mes idées et de mon cœur. Il est vrai que tu me laisses trop le temps de me rattraperb ce dont je me plains encore plus fort. Enfin ce n’est pas de ta faute et j’aurais mauvaise grâce à m’en plaindre. Je t’aime voilà ma seule compensation et ma seule vengeance. J’ai appris chez Guay qu’on t’avait nommé de la commission du secours hier [1], mais tu dois le savoir depuis longtemps. D’autre part, Suzanne me dit que votre stupide cuisinière vous plante là au mépris de tous les usages reçus et de toutes les traditions domestiques. Ceci est autrement sérieux que la nouvelle précédente, les servantes de l’île étant données. Aussi j’entrevois pour vous mille et mille ennuis, sans compter la famine. Pour comble d’embarras l’impossibilité d’envoyer Suzanne faire votre ménage dimanche à cause de mon gala malencontreux. Vraiment nous jouons de malheur ou plutôt de guignon. Pour une pauvre fois, par hasard, que je m’avise de vouloir traiter il faut que de ton côté tu te trouves sans servante. Enfin nous ferons comme nous pourrons, trop heureux si ces petits incidents agaçants nous sauvent d’accidents plus graves. En attendant, mon cher adoré, je t’aime tout en fleur et j’ai le cœur en fête comme le premier jour où je t’ai vu. Je te baise de l’âme et je t’attends avec tout ce que j’ai de plus tendre et de plus doux. Tâche de revenir bien vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 193-194
Transcription de Chantal Brière

a) « arrivé ».
b) « rattrapper ».

Notes

[1On ne trouve pas clairement trace de cette « nomination » de Hugo sauf à considérer dans Actes et Paroles son « Appel aux concitoyens » du 14 juin 1854 comme un témoignage de son activité au sein de la caisse de secours fondée par les proscrits. (« Que chacun donne ce qu’il pourra. Nous appelons nos frères au secours de nos frères. », CFL, éd. Massin, Tome IX, p. 541.)

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