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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 mai 1854

Jersey, 14 mai 1854, dimanche après-midi, 3 h.

Je voudrais bien savoir où vous êtes et ce que vous faites, mon cher petit bien-aimé, pour orienter un peu mon âme. Dans ce moment-ci, elle erre autour de votre maison, tâchant d’y pénétrer à la faveur d’un rayon de soleil ou à travers la brise qui passe sur les fleurs de votre jardin pendant que ma grosse et stupide personne griffouille ici à tort et à travers toutes ces jolies choses dont vous vous débarbouillerez le museau ce soir. Mais à la place de ce dédoublement physiquea et moral j’aimerais mieux me promener tout d’une pièce et au grand complet dans les prés et dans la montagne avec vous. Telle est ma faiblesse ! Il est vrai qu’il fait un temps à couper au couteau qui vous fait venir le soleil à la bouche. Malheureusement c’est aujourd’hui dimanche, jour de poste pour vous et dans tous les cas jour de travail car vous êtes pire que le bon Dieu, vous ne vous reposez jamais tandis que lui s’est reposé le septième jour. Aussi je m’attends à rester chez moi toute la sainte journée et j’en prends mon parti d’autant plus facilement que j’ai à copire. Ceci remplace pour moi la grande poupée de la petite [Paulin  ?] et fait que je ne suis pas seule.
En attendant je vois passer des processions de Jersiais tous plus laids les uns que les autres et je les plains de ne pouvoir pas se déguiser en êtres humains. Je te demande pardon du triste et bête gribouillis que je t’ai fait hier et dans lequel la queue de ma migraine se tortille avec rage du regret de me quitter probablement. La vraie vérité, la seule que je voulais te dire hier comme aujourd’hui, comme demain et comme toujours : c’est que je t’aime, c’est que je t’admire, c’est que je t’adore, c’est que tu es ma vie, ma joie et mon bonheur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 186-187
Transcription de Chantal Brière

a) « phisique ».

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