17 novembre 1846

17 novembre [1846], mardi après-midi, 3 h. ¾

Je t’attends depuis hier, mon adoré, et tu ne viens pas. Je fais tout ce que je peux pour me résigner tant bien que mal, mais je n’y parviens pas. Je t’attends avec d’autant plus de désir et d’autant plus d’impatience que je ne t’ai pas vu depuis bientôt vingt-quatre heures. Autrefois, quels qu’aient^a été tes affaires et ton travail, tu ne serais pas resté aussi longtemps sans me donner signe de vie. Je constate le fait douloureusement. Je ne t’en veux pas mais je suis triste, triste, triste. La nuit vient avec le brouillard. J’aurais voulu te savoir à l’abri de ces deux mauvaises choses mais tu ne me donneras pas cette tranquillité-là tout de suite, je le crains plus que je ne l’espère. Cher adoré, prends garde au moins qu’il ne t’arrive rien. Sois prudent, je t’en prie autant que je t’aime et que tu es ma vie.
Pour comble de guignon et d’ennui, j’aurai les tapissiers jeudi toute la journée, ce qui m’empêchera évidemment d’aller au-devant de toi. Je le prévois et j’en suis malheureuse à l’avance. Tu vois, mon pauvre bien-aimé, que je n’ai aucune raison d’être gaie, au contraire. Joins à cela un hideux mal de tête et tu auras le secret de ma tristesse, de mon impatience et de mon découragement. Cependant je ne veux pas finir ma lettre comme je l’ai commencée, aussi je vais être très aimable, très gentille et très spirituelle pour la dernière bouchée. D’abord je vais vous baiser jusqu’à extinction au risque de vous étouffer et si vous ne trouvez pas ça encore bien drôle, je recommencerai indéfiniment. Voilà.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 253-254
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « quelque aient ».