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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 octobre [1846], dimanche après-midi, 2 h. ¾

Quelque part que vous soyez, mon adoré, je viens à vous les baisers sur les lèvres et l’amour dans le cœur si vous m’aimez et si vous pensez à moi, les griffes dégainées et prêtes à vous déchirer si vous êtes occupé à faire le joli cœur avec n’importe quelle femelle. Je suis armée de toute pièce comme vous voyez et disposée à la guerre si la circonstance l’exige. Cher bien-aimé, mon petit homme adoré, mon Toto, mon Victor, mon amant, mon dieu, mon tout, est-ce que tu ne viendras pas bientôt ? Tant que je ne t’aurai pas vu je serai triste et malheureuse car tu es ma joie et mon bonheur. Je voudrais savoir si tu souperas ce soir pour te préparer une bonne petite mangerie. Quand je grogne parce que tu viens trop tard, ce n’est que parce que je crains qu’on ne puisse rien trouver de bon, tous les marchés étant fermés. C’est par excès de zèle et de sollicitude que je suis méchante. Cela arrive plus de quatre fois. Plus on aime et plus on est féroce pour celui qui en est l’objet. Vous aimeriez peut-être mieux, dans ce cas-là, n’être pas tant aimé, mais on ne choisit pas, attrapéa ! Eh ! bien quand vous le seriez un peu, attrapéa, est-ce que je ne le suis pas depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre moi. Et chaumontel et je travaille et reverchon et le diable et son train. J’espère que je ne manque pas de nez de carton de rechange, je n’ai que l’embarras du choix. Je ne serais pas fâchée que vous en tâtassiez une fois dans votre scélérate de vie, de ce genre d’agrément, pour pouvoir juger par vous-même de mon bonheur quotidien. En attendant, je vous attends et je vous attendrai encore longtemps, trop probablement. Je vous aime malgré tout ça et je ne changerais pas l’ennui de vous attendre contre tous les plaisirs du monde qui ne seraient pas vous. Donc je ne suis pas si malheureuse que je le crois quelquefois et je ne dois pas me plaindre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 207-208
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « attrappé ».

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