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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 février [1838], vendredi, midi ¼

Bonjour, cher bien-aimé. Je souhaite, mon amour, que tu n’aies pas passé une aussi mauvaise nuit que moi. J’ai à peine pu dormir quelques heures d’un mauvais sommeil, et le reste du temps j’avais le cœur oppressé comme si j’étais sous le coup du plus grand malheur. Hélas ! si tu te mets à présent à ne pas venir du tout dans la soirée, que deviendrai-je puisque tes répétitions t’empêchent de venir le matin ? Cependant tu te reposes bien quelques heures dans la nuit, pourquoi ne pas donner la préférence à mon lit ? Tu te lèverais aussi matin que tu le voudrais, ton déjeuner et toutes tes petites affaires seraient prêtes pour quand tu en aurais besoin. Il ne manque plus à cela que ta bonne volonté, et je crois qu’il y en a bien peu puisque depuis quinze jours je vis seule et abandonnée à mes réflexions qui ne sont pas des plus gaies. Je t’aime trop, nous sommes trop pauvres pour que cela puisse durer longtemps comme ça, car enfin l’amour ne se nourrit pas seulement de pot-au-feu, et ne se chauffe pas qu’avec du bois au poids et la mesure. Il faut encore autre chose... et ce quelque chose tu ne peux pas me le donner ? Oh ! Je suis triste et malheureuse. La vie m’est bien odieuse depuis quelque temps. Je t’aime trop. Je t’aime trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 77-78
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain


16 février [1838], vendredi soir, 4 h. ¾

Voici bientôt cinq heures, mon Toto bien-aimé, et je ne vous ai pas encore vu ; il y aura vingt-quatre heures que je ne vous aurai pas embrassé, en supposant que vous veniez tout de suite, ce qui n’est rien moins que sûr. Comment voulez-vous après cela que je ne sois pas très triste et très démoralisée ? J’espère que tu n’es pas allé pour cette loge à l’Opéra ? Je n’ai pas la moindre envie d’y aller, au contraire, je désire fort rester dans mon coin à broyer du noir tant que je pourrai. Quanta aux Guérard, ils iront une autre foisb. J’ai très mal à la tête et encore plus mal à l’âme. Je suis cependant bien heureuse et bien favorisée dans mes amours, il faut en convenir, et j’ai bien mauvaise grâce à me plaindre. En attendant, je souffre et je me consume en désirs qui ne seront pas satisfaits car tu y mets peu de bonne volonté et peu d’empressement. Je souffre, entendez-vous, mon bien aimé, je souffre ? Pensez-vous que cela puisse vivre longtemps ? Dites-le moi afin que je me règle là-dessus. Je t’aime. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 79-80
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain

a) « Quand ».
b) « autrefois ».

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