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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 septembre [1848], dimanche matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, malgré la pluie, la distance et le souvenir de l’absurde séance d’hier. Bonjour, je t’aime. Je suis revenue bien fatiguée, bien déconfiturée et bien vexée d’avoir manqué ton discours [1]. Si j’avais osé, j’aurais pleuréa comme un veau dans l’omnibus tant j’étais agacée et tant j’avais de regret d’avoir perdu l’occasion de t’entendre. Cependant, si tu voulais demander un billet pour lundi, si c’est lundi que tu dois parler, il est certain qu’on ne te le refuserait pas. Mon pauvre adoré, je te tourmente au-delà de toute discrétion, mais c’est que je serais si heureuse de t’entendre dire de belles choses avec ta voix grave et puissante, avec ton beau regard qui charme et qui subjugue, avec ton geste noble et imposant, que je ne recule devant aucune obsession, même celles qui te fatiguent et t’ennuient le plus. Je t’en demande pardon et je te prie de ne pas m’en vouloir et de m’accorder une pauvre petite fois un tour de faveur le jour où tu parleras. En attendant, je t’aime à l’unanimité.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/93
Transcription de Joëlle Roubine

a) « pleurer ».


24 septembre [1848], dimanche après-midi, 2 h.

Je tâche d’oublier ma déconvenue d’hier en pensant que je te verrai aujourd’hui, chez moi, nez à nez, et sans le chœur obligé des Invalides, des tourlourous [2], des marchandes de coco réactionnaires et des gamins morveux. Je pourrai donc t’embrasser en NATURE et à bouche découverte sans craindre de scandaliser les jambes de bois, les nez de fer blanc et les manches vides de bras. Je t’avoue que je ne suis pas insensible à cet avantage et que je remercie le bon Dieu d’avoir fait le dimanche pour le repos des hommes et des représentants. Seulement je trouve qu’il n’en n’a pas fait assez. Il ne lui en aurait pas plus coûté d’en faire six par semaine qu’un. Cette mesquinerie divine pourrait me donner mauvaise opinion de la générosité du père éternel, mais je m’abstiens par respect pour son âge. Je suis [en passe  ?] d’oublier même ma mystification PARLEMENTAIRE si tu viens de bonne heure aujourd’hui et si tu t’en vas très tard [3]. Je consens même à admirer Bénard, Guichard [4] et autres Pochard de la tribune si tu veux ne pas t’en aller du tout et passer toute la journée et toute la nuit avec moi à indiscrétion.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/94
Transcription de Joëlle Roubine

Notes

[1On ne sait de quel discours il s’agit.

[2Tourlourou (populaire) : soldat.

[3La veille, Juliette a manqué un discours de Victor Hugo à la Chambre.

[4Martin Bénard (1798-1783), Victor Guichard (1803-1884), représentants du peuple.

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