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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 septembre [1848], vendredi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour mon tout adoré, bonjour. Dors, mon cher petit glouton, dors, et que la bâfrerie d’hier te soit légère. Quant à moi, je n’ai pas fait d’autre débauche que celle d’une migraine atroce dont je suis encore toute courbaturée à l’heure qu’il est. Je ne sais même pas comment je pourrai me traîner jusqu’aux quinconces tant je suis endolorie et fatiguée. Il est vrai que lorsque l’heure d’y aller approchera, je sentirai mes forces et mon courage revenir. Le tout est d’arrivera là sans trop de souffrances. Les 10 s. de subvention que tu m’avais donnés hier pour faire la contrepartie de ton BALTHAZARb ont été employés bien bêtement. D’abord un omnibus pour faire le reste du chemin et une bouteille de bièrec pour étancher la soif ardente que j’avais. Voilà, mon cher petit homme, à quoi ont passéd les fonds que ton inépuisable magnificence avait destinés à mes menus plaisirs. C’est chesse, comme tu vois, et nonobstant la bouteille de bièrec dont je me suis imbibée, je trouve que ce n’est pas assez. Je réclame ma culotte plus fort que jamais et s’il le faut je l’exigerai de force et avec violence comme une vraie SANS-CULOTTE que je suis.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/90
Transcription de Joëlle Roubine

a) « arrivé ».
b) « BALTHASAR ».
c) « bierre ».
d) « passés ».


22 septembre [1848], vendredi soir, 8 h.

La joie m’inonde et me déborde, mon doux bien-aimé. Il faut que j’en couvre mon papier, tant pis pour lui et pour toi. Cela t’apprendra à me rendre trop heureuse, voilà tout. Quand je pense que je te verrai demain toute la journée et que je t’entendrai parler, c’est-à-dire que je marche dans mon rêve étoilé. Je voudrais déjà y être pour te voir, pour remplir mes yeux, mes oreilles, mon cœur et mon âme de toi. J’irai avec le jeune Auguste Pierceau. Le pauvre enfant t’aime et t’admire à l’égal de son Dieu et il n’a aucune des joies et des plaisirs de son âge. Aussi, j’ai voulu lui donner en une fois tous les bonheurs qui lui manquent. Je lui ai donné rendez-vous demain matin à 11 h. ½ sur la place Bourgogne. Mais d’ici là combien je vais relire de fois ton adorable lettre [1], comme je vais monter et redescendre de peigné d’en hiure et de hiure dans Nicole [2] en m’appuyant sur ton cher petit bras et en criant de toutes mes forces : quel Bonheur !!!

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/91
Transcription de Joëlle Roubine


22 septembre [1848], vendredi soir, 9 h.

Ô merci, mon bien-aimé, merci de toute mon âme et avec toute la reconnaissance et toutes les joies de mon cœur, merci, merci, tu me rends bien heureuse. Mon pauvre cœur en savait auquel entendre de ta ravissante lettre et des deux chers billets qui me donnent l’espoir de t’entendre demain et de te voir toute la journée. Je baisais toutes les choses adorables, mais tristes aussi parce qu’elles sont passées et qu’elles ne reviendront peut-être plus. Je me rappelais et j’avais des larmes dans les yeux. Puis je souriais en regardant ces deux petits cartons gris qui me promettent plus de bonheur qu’ils ne sont gros. Enfin, mon pauvre adoré, j’étais heureuse par anticipation et par souvenir presque autant que si tu avais été là. Je dis presque, car rien ne peut remplacer pour moi le son de ta voix, le regard de tes yeux, le souffle de ta bouche. Merci, mon adoré, je te baise sur tous nos chers et charmants souvenirs.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/92
Transcription de Joëlle Roubine

Notes

[1Il lui a écrit le même jour une lettre accompagnée de deux billets pour assister à la séance de la Chambre des Représentants du lendemain. Il lui donne des détails sur la procédure pour arriver à temps. « Il serait possible que je parlasse demain, et tu me verrais faire mes évolutions de cormoran dans la tempête. Cela nous amusera tous les deux. »

[2Dans sa lettre, Hugo évoque des voyages effectués ensemble les années passées (les événements politiques les en ont privés cette année), dont « Nicole et notre petit cabriolet si vieux, si poudreux, si laid, si affreux et si charmant ».

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