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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 juin 1848

17 juin [1848], samedi matin, 7 h.

Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour et amour à toi, je t’adore. Je ne peux pas résister à la tentation de te voir un moment. Pour la satisfaire, je quitte tout et bien autre chose. Je plante là le ménage pour courir après vous et je brave courageusement deux heures de séance dans une église, sans parler d’un déluge qui me paraît devoir me tomber sur la bosse tantôt si j’en juge par le ciel d’à présent. Tout cela ne m’arrête pas, au contraire. La seule chose qui m’effraye, c’est de ne pas te voir. C’est mon cauchemara, mon horreur, mon antipathie, ma mort. J’aime mieux tous les maux, tous les ennuis, que le malheur de ne pas te voir. Aussi, il faut voir comme je me dépêche d’abandonner ma maison pour courir après vous. Avec quelle facilité je renonce aux douceurs de la poussière et du déménagement, avec quel enthousiasme je quitte le torchon et le plumeau pour vous suivre à travers les rues de Paris. Je voudrais que l’Assemblée nationale fût à Toulon ou à Versailles ou bien plus loin pour avoir le plaisir d’être avec toi bien plus longtemps. Déjà, j’ai le chagrin de te quitter trop tôt. Ce n’est pas plutôt commencé que c’est fini, c’est ennuyeuxb. Taisez-vous, baisez-moi pour me faire prendre patience, ça vaudra bien mieux.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/26
Transcription de Joëlle Roubine

a) « cauchemard ».
b) « ennuieux ».


17 juin [1848], samedi matin, 11 h.

Je vais donc te voir bientôt, mon petit homme, cette pensée me réjouit le cœur. Je n’ai pas d’autre ambition que celle de te voir, pas d’autre joie que ton sourire, pas d’autre bonheur que ton amour. Toute ma vie consiste à t’aimer et à tâcher d’être aiméea de toi. Le reste m’est absolument égal ou ennuyeuxb, mais tu le sais de reste et mon rabâchage, si doux pour moi, ne peut que t’impatienter horriblement. Cependant, je n’ai rien de mieux à t’offrir à moins que tu ne préfères la description de l’affreux fouillis dans lequel je suis ce matin et des tourbillons de poussière qui me poursuivent de chambre en chambre. Heureusement que je vais m’enfuir tout à l’heure et laisser Suzanne se tirer de là comme elle pourra. Moi je tire ma CRAMPE vers des lieux moins encombrés si non moins empêtrés. Ceci est une flèche que je décoche à l’Assemblée nationale. [Deux dessins.]c Les lois de la perspective n’ont peut-être pas été très observées, mais on y reconnaît ma TOUCHE et mon chic, cela me suffit. Et puis, c’est sans PRÉTENTION. Ce n’est pas comme mon amour, qui a celle d’être partagé à l’exclusion de toutes les autres femelles de Paris et de la banlieue. À preuve que je veux que vous me baisiez instantanément.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/27
Transcription de Joëlle Roubine

a) « aimé ».
b) « ennuieux ».
c) Deux dessins :

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/27
https://explore.library.leeds.ac.uk/special-collections-explore/500367/juliette_drouet_letter_to_victor_hugo
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