Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1848 > Avril > 6

6 avril 1848

6 avril [1848], jeudi matin, 8 h. ½

Bonjour, vous, je vais m’asseoir. Eh bien tant mieux. Quand vous aurez du MAL, je vous en ferai autant. Vous verrez si c’est amusant et si vous ne vous assoireza pas comme les autres. Vous devriez être honteux de votre méchanceté noire au lieu de vous en vanter comme vous le faites. En attendant, vous me faites enrager, ce qui augmente mes maladies. Taisez-vous pair de France dégommé et soyez humilié dans vos dignitésa et ailleurs. J’en serai bien aise et j’en rirai de bon cœur avec tous les vrais démocrates. Ça vous apprendra à manquer de respect au SAINT SIÈGE. Maintenant je peux M’ASSEOIR. Le temps est bien grognon ce matin. S’il ne change pas de caractère d’ici à tantôt, il est probable que je ne pourrai pas aller t’attendre chez la mère Tissard, ce qui serait un peu humiliant pour moi. Voilà huit grands jours que je n’ai mis le pied dans la rue. Cela me serait égal si vous ne deviez pas aller à l’Académie tantôt. J’espère que ce n’est pas son dernier mot à ce vilain temps et qu’il va se dépêcher de fermer son robinet à l’eau chaude pour nous donner à la place un beau rayon de soleil. J’y compte et je fais mes préparatifs en conséquence. Je ne veux pas M’ASSEOIR. Je veux aller au-devant de vous quand même. Des lampions.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/12
Transcription de Joëlle Roubine

a) « asseoirez ».
b) « dignitées ».


6 avril [1848], jeudi midi

Je commence à me camoufler d’une horrible façon et par trouver ce temps un peu bien désagréable, surtout pour aujourd’hui jeudi. Vraiment, je n’ai pas de chance. Tout le temps qu’il m’a fallu rester au lit et M’ASSEOIR, il a fait un soleil d’août. Aujourd’hui que je peux marcher et que j’ai le droit de sortir, il pleut à versea. Comme c’est régalant. Encore si au lieu d’aller à l’Académie tu restais avec moi, ce ne serait que charmant et je bénirais les ondées et tout ce qui s’ensuit. Mais c’est tout le contraire et tu profites de mon séjour forcé chez moi pour ne pas y venir du tout. Témoin mardi dernier où je t’ai vu à 11 h. du soir. Je sais bien que tu t’es abrité derrière ta bonne option et que la vertu de la mère Tissard a servi à cacher ton crime envers moi, mais tout cela ne fait pas que je ne sois pas très malheureux et que je ne maudisse pas de grand cœur la pluie, les rois, même quand ils sont Jérôme, vieux et républicains comme celui que tu as été voir l’autre soir. À la rigueur même, je leur préfère Chaumontel, le cuirassier de Charles et sa garde matinale, ce qui n’est pas aussi facile qu’on croit. Au moins, je sais mieux à quoi m’en tenir et c’est plus naïf et plus à la portée de ma faible intelligence que les rouages compliquésb de la monarchie. Tout ceci veut dire que je m’embête horriblement et que je ne veux pas rester à la maison aujourd’hui quel que soit l’état du ciel. Je veux aller vous chercher. Je le veux tant pire.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/13
Transcription de Joëlle Roubine

a) « averse ».
b) « compliquées ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne