11 novembre 1849

11 novembre [1849], dimanche matin, 11 h.

Je continue mon affreux métier d’écureuil en cage. Je tourne et je m’agite dans mon impatience comme cet intéressant rongeur et sans arriver davantage à mon but. Aussi je suis fatiguée et découragée de la vie à un point que je ne peux pas dire. Il me prend envie de tout laisser là et de m’en aller au hasard devant moi. Je m’arrête dans ma complainte au premier couplet car tu la sais par cœur et cela n’a même plus pour toi l’intérêt de la nouveauté.
Eh ! bien, mon Toto, vous êtes-vous bien amusé hier au Testament de César [1]  ? Les femmes de la coulisse et les femmes de la salle vous ont-elles satisfaites au point de vue de l’art et des yeux ? Vous me direz cela tantôt. Quant à la politique je pense que vous l’aurez oubliée^a pour la littérature dramatique de Dumas et compagnie. Aussi je ne vous en parle que pour mémoire. Il est probable que toute votre journée sera prise par la visite reconnaissante de ces messieurs et de ces dames et que vous ne viendrez que juste le temps de me dire que vous ne restez pas. Je m’y attends et je me prépare à cette nouvelle déception de mon mieux et avec le plus de résignation possible. Quant au courage, il y a longtemps que je n’en ai^b plus et je ne le regrette [pas] parce que mon supplice sera plus tôt fini. En attendant, je vous aime jusqu’au dernier morceau et jusqu’à mon dernier souffle.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 303-304
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse
[Blewer]

a) « oublié ».
b) « je n’en n’ai ».