Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1849 > Novembre > 8

8 novembre [1849], jeudi matin, 8 h.

Bonjour, mon petit homme, bonjour, mon trop aimé, bonjour. Je baise toute votre chère petite carcasse à l’envers et à l’endroit, depuis le pôle nord jusqu’au pôle sud, depuis A jusqu’à Z. Dormez pendant que je vous aime en avance de toutesa les vingt-quatre heures dont vous êtes en retard, dormez et tâchez de rêver… le reste afin de ne pas en perdre jusqu’au souvenir.
J’ai essayé d’arranger votre habit mais j’ai grand peur que cela ne vous mène pas bien loin tant le drap en est léger. On dirait du brouillard de laine plutôt que du drap et l’aiguille la plus fine emporte le morceau par où elle passe. Enfin j’ai fait de mon mieux pour rafistoler le susdit habit, ce ne sera pas de ma faute s’il ne vous fait pas le profit que vous en attendez. J’ai encore oublié de vous remettre la petite feuille d’or de la torchère et pourtant je l’avais mise dans une des capsules des pains à cacheter. Je tâcherai d’y penser tantôt car il est important que tu aies ce morceau le plus tôt possible.
Cher adoré, je te remercie d’avoir songé au moyen de me faire garder cette jolie petite pendule et d’y avoir pour ta part si gracieusement contribué. Sans toi, sans ta bonne inspiration, elle ne serait plus chez moi à l’heure qu’il est et j’en aurais bien du regret parce qu’elle est très jolie et qu’elle va très bien avec mes bric-à-bracb. Mais maintenant j’y tiens par-dessus tout parce qu’elle me vient de toi. Merci mon adoré, merci. Je t’aime, je t’adore, je te baise.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 293-294
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « tous ».
b) « brics-à-bracs ».


8 novembre [1849], jeudi matin, 10 h. ½

J’ai oublié de te redemander hier où en était tout tour pour les billets de l’Assemblée ? Cependant cela m’intéresse on ne peut pas davantage puisque ce serait le moyen de te voir un peu plus longtemps et de revenir avec toi, sans m’imposer à ces braves Sauvageot que cela embête cordialement. Je tâcherai de ne pas oublier tantôt de réclamer MON tour. En attendant je te crois un parfait représentant, qui ne prend pas ses bottes pour des gants, ni les billets de Juju pour Madame Chaumontel ou Mme P [1]… Si je me trompe mon erreur vient d’un sentiment honorable que vous devez respectera et récompenserb en me rabibochant, hors tour, de mes billets floués. Du reste nous éclaircironsc la chose tantôt. J’espère que tu viendras me prendre et cependant je n’en suis pas assez sûre pour me réjouir d’avance de mon bonheur. Tu ne me l’as pas assez promis pour que j’y compte beaucoup. Pourtant je serai prête à l’heure dite car je n’ai pas aujourd’hui de pédicure et de blanchisseuse qui s’y opposent. En attendant, je pense à toutes mes joies passées, je revois dans mon cœur toutes les traces du bonheur que tu m’as donné, je retrouve dans ma mémoire tous les baisers que je t’ai pris, je sens sur tout mon corps le frémissement que tes caresses y ont imprimé. Enfin je t’aime avec l’ardente passion du premier jour et je te bénis en ce moment comme je le ferai à mon dernier souffle et devant Dieu.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 295-296
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « respecté ».
b) « récompensé ».
c) « éclairciront ».

Notes

[1Poléma.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne