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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 octobre [1849], vendredi matin, 7 h.

Bonjour, mon petit homme, bonjour, je t’aime, et puis je t’aime, et puis je te retaime. Seulement je voudrais être riche pour ne pas te charger du fardeau de ma vie. Malheureusement il n’est guère probable que je m’enrichisse maintenant, à moins que je ne mette en exploitation tous mes ennuis et toutes mes infirmités qui sont nombreux. Je n’ai guère d’autre ressource que celle du fameux oncle traditionnel d’Amérique, lequel n’existant pas encore diminue quelque peu les chances. Cependant j’y compte, il ne sera pas dit que je mourrai sans avoir joui de cette pure et sainte satisfaction de t’aimer en dehors de ce triste et désolant cortège de besoins matériels. Quand et comment cela arrivera-t-il ? Je ne le sais pas mais je conserve au fond du cœur cette espérance désintéressée. En attendant, il faut que je me résigne à te marchander la robe dont j’ai besoin, ce qui est plus courageux et plus difficile que tu ne crois, mon cher petit homme. Tu m’avais promis de revenir hier au soir. Il paraît que tu ne l’as pas pu, mon doux adoré. Cependant j’avais bien des tendresses à te dire, bien des baisers à te donner, bien de l’amour et bien du bonheur à te demander. Du reste je ne t’en tiens pas quitte, il faudra que tu subisses les uns et que tu me donnes les autres sous peine d’amende et le reste.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 261-262
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse


5 octobre [1849], vendredi matin, 10 h.

Je voudrais savoir que tu penses à moi, mon cher bien-aimé, que tu me regrettes quelque peu et que tu me désires quelquefois. Il me semble que le bonheur que j’en éprouverais diminuerait d’autant la tristesse que ton absence me cause. Malheureusement j’en suis réduite aux conjectures, ce qui, malgré toute la bonne volonté du monde, ne peut pas remplacer une bonne certitude. Quoi qu’ila en soit, mon cher bien-aimé, et dans l’espoir de t’encourager à tourner ta pensée et ton cœur de mon côté, je t’aime avec confiance et je t’attends avec tout le courage et toute la patience que le bon Dieu m’a donnés. Tâche de venir à midi ½ comme tu me l’as dit hier. C’est là-dessus que je compte pour me rabibocher de la perte d’hier. Si tu ne pouvais pas venir je serais plus que malheureuse. Aussi j’espère que tu feras tout ton possible pour me donner cette joie et je fais tous mes préparatifs dans cette espérance.
Il faudra que je prenne une matinée pour aller à Saint-Mandé [1] car ce n’est que le matin que je suis sûre de rencontrer M. le curé. Merci, mon adoré bien-aimé, d’avoir accepté cette dette sacrée aux dépensb même de ton nécessaire. Merci du fond de mon cœur bien reconnaissant. Si les prières et l’amour peuvent quelque chose dans ta vie tu dois être le plus vénéré, le plus admiré et le plus heureux des hommes, car je prie et je t’aime de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 263-264
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « quoiqu’il ».
b) « au dépend ».

Notes

[1Claire Pradier y est enterrée.

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