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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 septembre [1849], mercredi matin, 7 h.

Bonjour, mon bon petit homme, bonjour, sois béni, je t’aime. Quand je te vois, mon cœur se dilate de joie et toute mon âme rayonne de bonheur. Depuis bientôt dix-sept ans c’est toujours ainsi. Il ne s’est pas passé un jour, pas une heure, pas une minute où mon amour se soit ralenti et tes lèvres me brûlent comme le premier jour. Je t’ai suivi des yeux hier au soir jusqu’au coin de ma rue où j’ai vu ta chère petite ombre se séparer de cette vilaine masse noire et avinée qui te suivait et tourner le coin de la rue de la Tour-d’Auvergne. Quand tu n’es plus là il me semble que la lumière se retire de ma vie et qu’il fait noir et froid dans mon cœur. C’est pourquoi j’insiste tant auprès de toi pour que tu me donnes toutes les minutes dont tu peux disposer au risque de te paraître souvent bien exigeante et bien importune. Déjà je m’occupe de savoir à quelle heure tu viendras aujourd’hui et si je te verrai longtemps ? Je cherche à deviner quelles sont les chances qui me seront les plus favorables et je me raidis d’avance contre les obstacles qui pourraient t’éloigner comme si j’y pouvais quelques chose. Pendant ce temps-là tu dors, mon cher petit loir, et tu fais bien. D’ailleurs il est probable que tu auras travaillé tard. Quant à moi, depuis que vous avez pris l’habitude de me mettre la tête sous l’aile à la manière des poules, je me lève en même temps qu’elles, c’est-à-dire avec l’aurore comme une Juju toujours vertueuse que je suis.

BnF, Mss, NAF 16367, f. 245-246
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse
[Souchon]


26 septembre [1849], mercredi matin, 11 h. ½

Je fais force de voiles et de rames pour être prête de bonne heure afin de ne pas te faire attendre et de ne pas manquer l’occasion de t’accompagner si elle se présente. Du reste, j’ai un affreux mal de tête qui m’ôte la force de penser et d’agir tant je souffre. Heureusement que je n’ai pas besoin de l’un et de l’autre pour t’aimer avec une féroce activité. Aussi je m’en donne à cœur joie et sans me lasser. Comment vas-tu toi, mon cher petit homme ? Tu déjeunes probablement en ce moment. Tout à l’heure tu donneras audience aux Olympeb [1] de tous grades qui se présenteront à ta porte. Pourquoi donc n’en serais-je pas un peu à mon tour ? J’ai bien envie d’aller voir de mes yeux cette cour de solliciteuses de tous âges et de vertus diverses. J’y songerai. En attendant, jouissez de vos vacances, mon bon représentant, et prenez garde aprèsa de prendre vos bottes pour des gants et Juju pour un mouton à roulettes, ce qui serait une grave erreur. Jour Toto, jour mon cher petit o, vous seriez bien aimable de venir tout à l’heure. En attendant je vous aime de toutes mes forces et je vous baise de même. Tâchez de ne pas me faire attendre jusqu’à ce soir. D’ailleurs vous savez que j’ai plusieurs commissions à vous faire. Dans votre intérêt dépêchez-vous de venir en même temps. J’en profiterai pour vous voir plus tôt et plus longtemps.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 247-248
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « à près ».
b) « Olympes ».

Notes

[1Vraisemblablement Olympe Pélissier.

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