20 août 1849

20 août [1849], lundi matin, 6 h.

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon sublime amour, bonjour. Tu nous as^a rendues bien heureuses toutes hier en nous promettant de nous faire assister à la séance de mercredi. Si tu avais pu voir la joie de ces pauvres jeunes filles [1] tu en aurais été ému, tout président du congrès de la paix que vous êtes monseigneur [2]. Je ne sais pas si vous avez dîné hier avec Charlot mais je sais que Toto Second [3] était parti dès le matin pour la campagne. Vous voyez que ma police me rend des comptes fidèles et détaillés de tout ce qui se passe chez vous. Je vous le dis en bonne femme afin que vous en fassiez votre profit pour ce que vous ne voulez pas que je sache. On n’est pas meilleure princesse que je ne suis, nonobstant la république et son auguste famille les représentants. Toto je veille et je garde mes armes, méfiez-vous. Vous ne m’avez pas dit à quelle heure vous viendriez travailler auprès de moi, mais ce que je sais c’est que je voudrais que ce fût tout de suite et que je fais force de voiles et de rames pour que tout soit prêt chez moi quand tu viendras. En attendant, mon cher petit homme, je suis la plus heureuse des femmes et je t’adore. N’oublie^b pas que j’éprouve le plus grand besoin de te donner à dîner et que je n’ai plus beaucoup de temps d’ici à l’arrivée de mes Bretons [4] qui seront probablement ici pour la fin de la semaine. Est-ce que tu ne pourrais pas venir jeudi ou vendredi malgré le congrès ? Tâche d’arranger cela, tu me feras un grand bonheur.

Juliette

Vente Boisgirard-Antonin, expert Thierry Bodin, Drouot, salle 4, 24 mai 2019, lot n° 246
Transcription de Jean-Marc Hovasse

a) « a ».
b) « N’oublies ».

20 août [1849], lundi matin, [10 h. ? 11 h. ?] ½

Je m’épêche, mon petit homme, dans l’espoir que tu vas venir travailler auprès de moi et m’apporter à copire. C’est une si rare et si bonne aubaine pour moi que je ne me sens pas de joie de la pensée que je vais enfin en avoir une petite aujourd’hui, d’aubaine, et que je vais avoir l’honneur de fourrer mon affreux nez dans les plus belles choses du monde. QUEL BONHEUR !!! Je ne connais au-dessus de celui-là que le bonheur d’être avec vous sur quelque grande route avec un ruban de queue de flânerie de un ou deux mois. Malheureusement ce bonheur-là est devenu impossible pour nous depuis bien longtemps et je doute qu’il le redevienne jamais. Si je me trompe, que Dieu soit béni, mais je n’ose pas l’espérer. En attendant je me contente de tout ce qui m’en rapproche le plus. Ainsi la pensée d’assister mercredi à ton discours [5] me fait battre le cœur et je voudrais y être déjà pour être plus sûre de ne pas échapper ce bonheur-là. Je t’assure que je ne suis pas la seule impatiente, et qu’il y a autour de moi trois péronnelles qui ne donneraient pas leur part à un…… représentant quelque laid qu’il soit. C’est pourtant encore bien long mercredi mais c’est égal. La certitude de te voir et de t’entendre me cause une joie anticipée dont tu ne peux pas te faire idée à moins que tu ne saches à quel point je t’admire et je t’aime.

Juliette

Collection particulière
Transcription de Jean-Marc Gomis