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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 juillet [1849], mercredi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon petit Toto aimé, bonjour, mon représentant adoré, bonjour. Fourre ton nez sous la couverture et ne te réveille que le plus tard possible, car le froid est très vif et le ciel très grognon. Quant à moi, si j’osais, je me recoucherais rien que pour réchauffer mes pieds qui sont comme des verrous. Si je ne me donne pas cette satisfaction, c’est uniquement pour être prête à midi dans le cas où tu viendrais par exception à l’heure convenue. À quelle heure es-tu sorti de l’Assemblée hier au soir ? Je regrettais de n’avoir pas eu le courage et la patience de t’attendre pour te conduire à Saint-James [1], mais j’étais si fatiguée que je craignais de rester en route, aussi ça n’a pas été sans protester contre ma lâcheté que je suis revenue tout de suite par l’omnibus. Du reste bien m’en a pris pour cette stupide Suzanne qui a été obligée de se coucher en arrivant. Maintenant cela va mieux, ce n’était qu’une mauvaise digestion. Heureusement, car rien ne m’embarrasserait plus que de l’avoir malade dans un moment où il me serait impossible de prendre une personne supplémentaire pour faire sa besogne. Sans compter l’ennui de voir souffrir cette pauvre créature absurde. Mais je te dis là des choses bien insignifiantes comparées à toutes celles que j’ai dans l’esprit et dans le cœur et dont tu es seul l’objet. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 185-186
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse


4 juillet [1849], mercredi matin

J’ai ta carte d’électeur, mon cher petit homme, que l’on m’a remise sous enveloppe ce matin même. Il paraîtrait décidément que ce M. Bouard serait employé à la mairie de notre arrondissement. Grand bien lui fasse de toute façon et malgré son équivoque position dans cette maison. Mais toi, mon cher adoré, toi, comment vas-tu ? À quelle heure êtes-vous revenus tous de Saint-James ? Si je l’avais su je crois que je serais allée au-devant de vous pour avoir le bonheur de vous voir passer. Au lieu de cela, je me suis couchée à dix heures et demiea et comme une bête, non sans avoir beaucoup parlé de toi avec le jeune Pierceau [2] qui est venu me voir et à qui j’ai promis de mettre de côté pour lui tous les nos du journal L’Événement, que ses moyens ne lui permettent pas d’acheter tous les jours. Voilà, mon petit homme, à quoi j’ai passé mon temps hier au soir. Mais que j’aurais bien mieux aimé au lieu de parler de toi, t’entendre parler toi-même dans un petit coin ou dans un TROU DE SOURIS, car rien n’est impossible à la peur et à l’amour. Et quand la venette [3] de Ledru Rollin passe par un vasistas [4], l’admiration d’une Juju peut bien habiter un trou de souris pour jouir plus longtemps de la vue de son Toto qu’elle adore. C’est mon opinion.

BnF, Mss, NAF 16367, f. 187-188
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

Notes

[1La famille Hugo est en villégiature estivale à Saint-James.

[3Venette : Terme bas et populaire qui désigne la peur, l’inquiétude, l’alarme. (Littré)

[4Guichet qui s’ouvre en permanence pour guetter à volonté, ou pour parler à quelqu’un. (Littré)

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