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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 décembre [1845], vendredi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour, mon adoré petit bien-aimé, bonjour, comment allez-vous mon cher petit scélérat ? Moi je vais bien, à la jalousie près, peu de chose comme vous voyez, sans parler de mon pied qui me fait un mal de chien. Pour me guérir de l’une et de l’autre, je suis au régime de l’homéopathiea. Jusqu’à présent, cela ne m’a pas fait grand bien. J’ai bien envie d’essayer autre chose, comme par exemple, de coucher avec vous toutes les nuits et de laisser mon pied tranquille. Il est probable que ce serait là le vrai remède à mes deux maux. Malheureusement, le premier ne dépend pas de moi. Il ne me faudrait rien moins qu’une ordonnance signée Toto pour me faire délivrer le précieux topique et mes moyens ne me permettent pas d’avoir recours à ce docteur célèbre. C’est toujours ainsi dans la vie. Taisez-vous, vilain, j’aime mieux une bonne preuve d’amour que toutes les douces paroles du monde, je vous l’ai déjà dit, j’aime mieux le bonheur que la devise, fût-elle du célèbre Crapouillard ou de l’illustreb Grenouillet [1]. Soyez un peu moins populaire auprès des servardes et tâchez de vous dépairiser [2] auprès de moi. Cela vaudra beaucoup mieure.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 219-220
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « l’omeopathie ».
b) « l’illuste ».


5 décembre [1845], vendredi soir, 4 h. ¾

Je vous permets d’embrasser Cocotte devant Eulalie tant que vous voudrez, mon cher petit bombeur, et encore devant Joséphine, Mme Triger, Mlle Féau et autre mère Lanvin. Vous voyez que vous avez un assez joli et assez nombreux répertoire comme ça. Vous ne direz pas que je ne me prête pas à toutes vos faiblesses, j’espère. C’est justement parce que je vous accorde une grande latitude de ce côté-là que je me crois parfaitement le droit de vous graffigner la figure la première fois que vous vous permettrez de faire le pigeon roucoulant devant mes pigeonnes. Vous voilà prévenu, cela ne me regarde plus. Il paraît que vous êtes allé chez Mme de Girardin, mon cher petit blagueur, puisque vous ne revenez pas mettre votre paletot rose et faire allumer la lampe ? Cela ne m’étonne pas et je m’y attendais malgré votre apparente résolution. Taisez-vous, vieux menteur, aimez-moi et vous n’aurez pas tant de temps à donner aux autres.
Cher petit homme adoré, je souffre comme une enragée et il faut que je t’aime plus que tout au monde et plus que moi-même pour trouver le courage de te le dire dans ce moment-ci au lieu de crier : oh ! là ! là ! aïe ! aïe ! Sacristi ! Mâtin de chien ! Nom d’un petit bonhomme ! et autres exclamations académiques à l’usage de ceux qui souffrent. Mais je t’aime plus fort que toutes les douleurs réunies et je te crie du fond du cœur : mon Toto, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 221-222
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1À élucider.

[2Victor Hugo est pair de France depuis le 13 avril 1845.

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