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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 novembre [1845], dimanche matin, 9 h. ½

Bonjour, mon petit bien-aimé adoré, bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon petit homme adoré, comment que ça va ce matin ? Tu m’as quittée bien plus tôt que d’habitude hier. En as-tu profité pour prendre un peu plus de repos au moins ? Hum, ça n’est pas probable. Tu n’es pas homme à te coucher après minuit, toi. Il faut au moins qu’il soit quatre ou cinq heures du matin pour que tu te permettes d’entrer dans ton lit. Jusqu’à présent, mon pauvre adoré, cela t’a réussi et il n’y a eu que ton bien-être qui en a souffert, Dieu veuille que ce soit toujours ainsi et que ta chère santé n’en souffre pas gravement un jour.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, je vous adore. J’aurais voulu être hier derrière un paravent pour entendre votre conversation CHINOISE avec ce hideux MAGOT qui répond au nom de [illis.]. Je me serais délectée en te voyant mystifier ce faquin ridicule. Mais, hélas ! ces bonnes fortunes ne sont pas faites pour moi, trop heureuse encore quand tu veux bien m’en donner une seconde édition.
Cher petit homme ravissant, mon joli petit Toto, je t’aime. Je voudrais passer ma vie à te le dire et à te l’écrire en caresses et en baisers sur tout ton cher petit corps. Quand je pense à toi, et j’y pense toujours, il y a une petite âme dans mon âme qui saute et qui danse de joie. C’EST BÊTE COMME TOUT CE QUE JE TE DIS LÀ [1], mais c’est bien vrai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 195-196
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


30 novembre [1845], dimanche soir, 7 h. ½

Je t’écris en tête-à-tête avec ma Cocotte, mon cher petit bien-aimé, ce dont je ne me plains pas, car ne pouvant être avec toi, je me trouve moins seule avec ton souvenir que lorsque je suis entourée de gens qui m’assomment ou qui me déplaisent. J’espère que je t’attendrai courageusement jusqu’à ton retour, mais pour que ma bonne résolution soit tenue fidèlement, il faudrait de ton côté que tu viennes de très bonne heure. Malheureusement c’est aujourd’hui dimanche, jour où tu reçois plus volontiers et où toute ta famille est réunie. Aussi je crains bien fort que tu ne viennes pas avant minuit ou 1 h. du matin. Enfin je ferai tout ce que je pourrai pour avoir du courage et de la patience jusque-là. Ce ne sera pas de ma faute si je ne réussis pas.
Soir, Toto, soir, mon cher petit o, vous êtes mon doux bien-aimé plus beau et plus charmant que tout ce qu’il [y] a de plus beau et de plus charmant dans l’univers. Je vous aime.
J’attends votre COPIE avec furieusement d’impatience [2]. Il me semble que vous pourriez bien m’en donner tout de suite si vous vouliez. Vous n’avez pas le besoin d’avoir fini pour me faire commencer, au contraire, le mieux serait que j’emboîtasse le pas derrière vous. Et puis d’ailleurs, je suis très pressée, moi. Il y a plusieurs millions de siècles que je n’ai vu de votre chère petite écriture et le cœur me brûle d’en voir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 197-198
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Réplique de don César à un laquais, acte IV, scène 3, extraite de Ruy Blas (1838), drame de Victor Hugo en cinq actes, représenté pour la première fois le 8 novembre 1838 au Théâtre de la Renaissance à Paris.

[2Le 17 novembre 1845, Victor Hugo débute la rédaction d’un nouveau roman, Les Misères, qui deviendra Les Misérables. Est-ce les premières pages du roman que Juliette demande à copier ?

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