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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 novembre [1845], mardi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon petit bien-aimé adoré, bonjour, mon pauvre petit travailleur béni, bonjour, comment vas-tu ce matin ? As-tu un peu dormi ? As-tu eu bien chaud ? Viendras-tu ce matin de bonne heure ? Je vais te préparer ton eau dans cette intention mais sans y compter. Tu vois toi-même combien j’ai raison de me défier de la providence et de toi. Hier je t’attendais, je croyais être presque sûre de te voir avant le dîner et j’en ai été pour mon espérance mal fondée. Ce matin je n’ose pas me flatter afin de n’être pas désagréablement attrapéea si tu ne viens pas. J’aime mieux courir la chance d’une bonne SURPRISE. Cela m’ira d’autant mieux que j’ai un effroyable mal de têteb, que j’ai très mal dormi cette nuit, que j’ai fait de très vilains rêves et que j’ai le plus grand besoin de t’embrasser.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, MAMZELLE DÉDÉ doit être joliment contente de vos petits [plis  ?]. Mâtin, on ne m’en a jamais tant fait à moi. Si vous croyez que c’est juste, vous vous trompez FIÈREMENT. Eh bien ! on se passera de votre talent, d’autant plus que je ne voudrais pas en faire part à personne. Je voudrais le garder pour moi seule. Pauvre bien-aimé, ce n’est pas une nouvelle pour toi que mon avarice pour tout ce qui me vient de toi. J’y tiens plus qu’à de l’or. Ce seraient des enfantillages pour tout le monde, mais pour moi, ce sont des choses très sérieuses.
Baise-moi, aime-moi et viens bien vite, tu me rendras bien heureuse et tu guériras mon mal de tête. En attendant, je pense à toi, je te désire et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 117-118
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « attrappée ».
b) « mal de têtes ».


4 novembre [1845], mardi après-midi, 3 h. ¼

Tu ne viens pas, mon Toto chéri, et moi je t’attends, je te désire et je t’aime, ce qui fait que je ne prends pas ton absence en patience et en résignation. Je ne veux pas te grogner parce que je suppose que ce n’est pas de ta faute. Je ne veux pas te montrer mon ennui parce que cela te fâcherait. Il faut que je sois très gentille, très douce et très raisonnable, trois choses pour lesquelles j’ai peu de vocation naturellement. Cependant, pour te plaire, il n’ait rien que je n’essaye.
Il fait un temps charmant, quoiqu’un peu froid. Je serais bien sortie avec vous, si vous l’aviez voulu, mais vous ne le voudrez pas, c’est bien probable.
Cher petit homme adoré, je sais que tu fais ce que tu peux pour moi et souvent même plus que tu ne peux. Je le sais et j’en suis touchée jusqu’au fond du cœur. Aussi ce que je viens de te dire tout à l’heure n’est que pour plaisanter et pour varier le répertoire des SOURIS-MOI, PORTE-MOI, A-T-IL CRIÉ QUAND IL T’A MORDU ? COMBIEN Y A-T-IL D’ESPÈCES DE NEZ ? FAIS-TOI FAIRE UN HABIT, etc., etc. Mon génie inventif ne va pas plus loin que ça. C’est COURT MAIS C’EST BEAU. Je ne veux pas que vous disiez le contraire, vilain malhonnête. Baisez-moi et ne vous faites pas attendre et désirer si longtemps, ça vaudra bien mieux, car je suis à bout de ma patience et de mon courage. Mon petit Toto chéri, je t’aime, je ne puis être heureuse que par toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 119-120
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

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