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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er novembre 1845

1er novembre [1845], samedi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon petit Toto, bonjour, mon pauvre bien-aimé fatigué, bonjour, toi que j’adore, bonjour, mon âme, comment vas-tu ce matin ? Toujours travaillant comme un pauvre chien ? As-tu dormi au moins cette nuit ? Quand je pense à toi, à tout ce que tu fais, à ton courage et à ton abnégation, je suis honteuse de vivre. Il me semble que je n’en ai pas le droit. Mon inutilité me pèse comme un remords quand je la compare à ton activité et à ton dévouement de tous les jours et de tous les instants. Mon Victor, mon bien-aimé adoré, c’est à genoux que je voudrais te dire ces douces paroles qui sortent de mon âme. Tu es mon divin bien-aimé, ce qu’il y a de plus beau, de plus noble, de plus grand et de plus généreux au monde. Je baise tes pieds. Je t’adore.
Si tu viens tantôt, tu auras ton petit meuble de toilette. Je suis occupée à le faire sécher. Tu auras aussi de l’eau froide et neuve pour tes yeux. Pauvre bien-aimé, c’est bien le moins que je te fasse à temps toutes ces petites niaiseries qui peuvent te soulager. Je suis un monstre à mes propres yeux quand il m’arrive de les négliger par ma faute. Si je peux t’avoir du raisin aujourd’hui, j’y ferai tout mon possible, car je vois que les poires ne sont plus mangeables. Je veux que tu rafraîchissesa ta chère petite gorge le soir. Je veux avoir soin de toi, je veux te servir, je voudrais donner ma vie pour toi. Bonjour, mon Victor chéri, bonjour, mon âme, pense à moi et aime-moi. De mon côté je te bénis, je te désire, je t’attends et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 107-108
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu raffraîchisse ».


1er novembre [1845], samedi soir, 4 h. ½

Tu m’oublies, mon Toto, et moi je pense à toi et je te désire de toute mon âme. En général, les fêtes et les dimanches ne me sont pas favorables. Aussi je les redoute on ne peut pas plus. Cher bien-aimé, je ne veux pas être grognon, car je sais que cela te déplaît. Je veux te sourire du fond de ma chambre noire pour t’engager à venir bien vite. Porte-moi. Je fais tout ce que je peux comme tu vois, ce n’est pas de ma faute si la tristesse l’emporte sur ma bonne volonté. Je t’avais préparé toutes tes petites affaires de bonne heure, chose qui ne me réussit jamais en général. Aussi, bien souvent, il m’arrive d’être en retard avec intention afin de te faire venir plus vite. Malheureusement je n’ai aucun talisman dont je puisse me servir dans ce moment-ci et Dieu sait quand tu viendras. Pauvre adoré, pendant que je m’impatiente et que je m’afflige, tu travailles sans doute sans prendre le temps de respirer. Si je pouvais t’aider encore, mes regrets seraient moins grands. Mais savoir que je ne te suis bonne à rien, au contraire, c’est plus que décourageant, c’est affligeant. J’ai bien besoin de te voir, mon Victor, pour me sortir un peu de toutes les idées noires que me donne ton absence. Voici la nuit close, peut-être sentiras-tu le besoin de venir te reposer un peu auprès de moi en attendant le dîner. Si cela est, je serai bientôt bien heureuse et je n’ai pas le droit de gronder et de m’attrister. Je te souris, je t’aime, je t’espère, je t’adore. Tu es mon Victor ravissant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 109-110
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

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