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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 octobre [1845], mardi matin, 7 h. ¾

Bonjour, mon bon petit Toto adoré, bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, je t’aime, et toi ? J’avais espéré que tu viendrais déjeuner et dîner pendant les jours qui suivraient l’installation [1]. Je vois que je me suis trompée et j’en suis bien triste. Je n’avais que ces deux moments de la journée où je fusse à peu près sûre de te voir. Maintenant me voici retombée dans cette attente de tous les instants qui n’aboutita jamais qu’à des déceptions. Cependant, mon Victor adoré, je suis bien reconnaissante de tout le bonheur que tu m’as donné. Je reconnais que tu as fait pour cela tout ce que tu pouvais. C’était beaucoup pour toi, pour moi ce n’est jamais assez. Quand bien même je vivrais avec toi sans te quitter jamais, il y aurait des moments que je regretterais, comme des choses perdues et voléesb à mon amour, ceux où tu regarderais autre chose que moi, où tu penserais à autre chose que moi. Je te dis cela comme en revenant de Pontoise [2], mais tu me comprends malgré mon affreux patois.
Dans le cas où Eulalie ne viendrait pas aujourd’hui, je te promets de finir moi-même ton paletot. J’y mettrai tous mes soins pour qu’il soit bien. Je me dépêche de faire mes affaires dans cette intention. Je veux que tu l’aies aujourd’hui, je l’ai juré, fichtre, il n’y a plus à balancer. Baisez-moi mon Toto, je vous aime plus que plein mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 63-64
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « qui n’aboutissent ».
b) « des choses perdue et volée ».


21 octobre [1845], mardi après-midi, 2 h. ½

Je t’écris en attendant l’heure de sortir, mon cher petit bien-aimé, parce que je suis prête, que de reste je n’ai pas l’espoir que tu viendras avec moi à cause de tout ce que tu as à faire aujourd’hui, sans parler du retour de tout ton monde [3]. Je n’ose même pas supposer la possibilité que tu viennes au devant de moi par les quais parce que je sais la peine que me fait ce genre d’illusion quand la réalité n’est pas ce que je désire. Je ne sais pas comment est tournée cette phrase, mais elle me paraît farce. Du reste ce n’est pas la première que je remarque de cette farce-là. Si j’y mettais la moindre coquetterie ou la plus petite prétention, je ne t’écrirais jamais, mais Dieu sait que je ne songe qu’à t’aimer et que le reste m’est égal comme deux œufs. Tu m’as promis de venir demain déjeuner, mon Victor chéri, j’espère que tu tiendras ta promesse et que j’aurai encore ma petite matinée de joie. Je tâcherai que le Génevoy soit exact à l’heure afin que tu puissesa choisir toi-même les nuances. Ton paletot sera prêt tout à l’heure. Il sera délicieux. Jour, Toto, jour, mon cher petit o, je t’aime. Tu es beau, je t’adore. Baise-moi et aime-moi, tu ne seras que juste.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 65-66
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu puisse ».

Notes

[1À la campagne depuis le 12 septembre, la famille de Victor Hugo est revenue à Paris ce 21 octobre.

[2« Comme en revenant de Pontoise » : gauchement, niaisement.

[3À la campagne depuis le 12 septembre, la famille de Victor Hugo est revenue à Paris ce 21 octobre.

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