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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 octobre [1845], samedi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon petit Toto bien aimé, bonjour, vous, bonjour, toi, comment que ça va ? Moi je vais on ne peut pas mieux parce que je vais vous voir tout à l’heure, à moins cependant que vous n’ayez la férocité de nous faire jeûner jusqu’à onze heures, ce qui serait d’autant plus fâcheux que nous avons déjà toutes une faim de chien. J’espère que tu en auras toi-même une plus grande encore et que tu vas venir tout de suite. En attendant, je fais des combinaisons diaboliques pour venir à bout de ton paletot, mais toutes mes inventions n’aboutiront qu’à en faire une loque comme devant. Heureusement que tu es prévenu en sa faveur et qu’il ne te sera pas difficile de le trouver admirablement beau, propre et superbe. Je compte là-dessus et je ne m’en tourmente pas autrement. À propos, mon petit Toto, n’oubliez pas de m’apporter ce matin mes trente-cinq mille francs. J’y tiens on ne peut pas plus, je vous en préviens, quoique ce ne soit qu’une bagatelle.
Cher petit homme adoré, je te remercie d’avance de l’argent que tu vas dépenser pour tenter une chance impossible dès qu’il s’agit de l’appliquer à moi. Ce sera du reste le dernier essai de ce genre que je tenterai. Merci mon Toto, merci mon adoré, viens bien vite. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 51-52
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


18 octobre [1845], samedi soir, 5 h. ¾

Où es-tu, mon pauvre petit grognon  ? Que fais-tu à cette heure ? Il me semble que tu ne pourrais pas mieux faire que de venir t’installer auprès de ma lampe et devant mon feu ? Pourquoi ne viens-tu pas tout de suite ? La nuit est close depuis longtemps et ton appartement n’est rien moins que chauffé. Qu’est-ce qui te retient alors ? Tant que tu ne m’auras pas remis mes trente-cinq mille francs, je ne serai pas tranquille. J’aurais dû exiger une garantie, un cautionnement ou quelque chose comme ça. Je suis vraiment d’une rare confiance et d’une excessive imprudence. Aussi quand je les aurai retirés de vos griffes, il fera chaud quand je vous les reconfieraia. On ne fait pas deux fois la même imprudence. C’est déjà beaucoup trop d’une.
Je suis très vexée, mon cher petit homme, parce que ton paletot ne sera pas fait ce soir et qu’Eulalie ne peut pas venir lundi. Cela me vexe horriblement mais qu’y faire ? Il faudra que tu aies la patience d’attendre, ce qui n’est pas ton fort, soit dit entre nous. Pour que tu en trouves un peu, je te dirai que ce paletot si sale, si hideux et si ignoble sera, après la cérémonie, très présentable et très digne de figurer dans la toilette d’un pair de France. Sur ce, baisez-moi et ne grognez pas, vous l’aurez mardi sans faute. Je vous attends et je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 53-54
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « je vous les reconfierez ».

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