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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 août [1842], dimanche matin, 9 h. ¼

Bonjour mon cher Toto adoré. Bonjour mon cher bien-aimé. Comment vas-tu ce matin, comment va le pauvre petit malade [1] ? Je pense à vous, mes chers petits amis, et je vous aime de toute mon âme. J’ai été réveillée ce matin par un grand coup de sonnette pendant que Suzanne était à la messe. Ne sachant pas qui ce pouvait être, je suis allée m’en informer à travers la porte. C’était le petit garçon aveugle du portier, qui avait laissé envoler son MOGNEAU [2] sur la fenêtre de la cuisine. J’aurais bien envoyé le petit diable à l’autre diable de bon cœur pour m’avoir ainsi réveillée, mais je me suis contentéea d’aller chercher le susdit mogneau dans la cuisine, lequel a pris l’envolée dès qu’il m’a vueb, bien entendu. Depuis ce temps, d’étage en étage, et à tous les mogneaux quelconques qui se hasardent de ce côté, on fait des agaceries et on les amorce avec des croûtes de pain. Jusqu’à présent ça n’a réussi qu’à me redonner mal à la tête, que j’aurais peut être eu sans ça. Voilà, mon amour adoré, les événements de ce matin, cela promet pour la suite de la journée. Mais ce qui me guérit, me console et m’enchante, c’est la petite promenade de demain. QUEL BONHEUR !!! Je serai prête à trois heures du matin. Il n’[y] a rien de tel comme le bonheur pour vous éveiller et je serai si heureuse demain.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 81-82
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « contenté ».
b) « vu ».


21 août [1842], dimanche, midi ¾

Je suis frottée, coiffée, mon ménage est fait, enfin je suis toute prête à partir pour n’importe où vous voudrez me mener. J’ai prévenu le Ledon pour demain matin, j’espère qu’il ne me manquera pas. Vous voyez, mon amour, que je suis une femme diligente. Pourquoi ne suis-je pas une femme DILIGENCE ? Je m’en irais avec vous jusqu’où la terre pourrait me porter. Mais je ne veux pas entamer ce chapitre-là parce que cela me met toujours du noir dans le cœur. J’aime mieux penser à la matinée de demain, cela me rafraîchit la tête et me donne de la joie dans l’âme. Pourvu que cette pauvre duchesse ne contremande pas la visite qu’elle a tant sollicitéea [3] et qui doit me donner tant de bonheur. Je suis si malencontreuse que cela serait très possible. Non, ça n’est pas possible et je ne veux pas offenser le bon Dieu en le soupçonnant d’avance de cette affreuse méchanceté.
Jour Toto. Jour mon cher petit o. Comment va ton enfant bien aimé, comment vas-tu toi-même, mon adoré ? Je t’attends avec impatience pour le savoir et pour te baiser des pieds à la tête.
Je reconnais que j’ai été une vieille méchante et une vieille rococo hier matin. Pardonne-moi, mon cher adoré. Pardonne-moi aussi de t’aimer trop. Pardonne-moi encore de ne pas vouloir me corriger de ce vilain défaut et de vouloir mourir dans l’impénitence finale. Je vous dis que vous êtes mon ravissant petit CHIRAGREREUX [4].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 83-84
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « sollicité ».

Notes

[1François-Victor Hugo se remet d’une grave maladie pulmonaire.

[2Graphie fantaisiste de « moineau » imitant une prononciation populaire.

[3Cette lettre ainsi que celle du lendemain semblent suggérer que Victor Hugo et Juliette ont fait une autre visite à la duchesse d’Orléans le 22 août 1842.

[4Déformation fantaisiste de « chiragre », faisant référence au fait que Victor Hugo souffrait de goutte à la main.

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