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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 août 1842

3 août [1842], mercredi matin, 11 h. ¼

Bonjour mon cher petit bien aimé, bonjour mon pauvre amour, comment vas-tu ce matin ? Mon Dieu pourvu que la poussière et la chaleur ne te fassenta pas être mal et n’augmententb pas ton mal de gorge. Tant que je ne t’aurai pas vu je serai malheureuse et tourmentée. Si, comme tu me le disais hier, on peut s’en aller après avoir fait acte de présence ce sera très prudent et très gentil à toi de le faire et de venir me donner le reste de la cérémonie [1]. Je te vois à peine, mon pauvre ange, quoi que je ne t’aie jamais plus aimé ni plus désiré. Ajoute que depuis trois ou quatre jours tu es souffrant, ce qui attriste les quelques instants que je passe avec toi et ce qui m’inquiète au delà de toutec expression dès que je ne te vois plus. J’aurais voulu qu’il ne fît pas si beau aujourd’hui à cause de l’excessive chaleur qu’il y aura dans cette église toute tendue de noir et toute éclairée de cierges. C’est pour te rendre malade tout à fait. Je voudrais déjà être à la fin de la journée pour savoir comment tu auras supportéd cette fatigue et cette poussière. Dépêche-toi, mon adoré, de venir me tirer de peine dès que tu auras fini. Tâche si tu peux d’abréger la cérémonie le plus qu’il te sera possible pour ta pauvre gorge et pour ta pauvre Juju qui se tourmente.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 9-10
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « fasse ».
b) « augmente ».
c) « tout »
d) « supporter ».


3 août [1842], mercredi soir, 2 h. ¼

L’heure se passe et Toto ne revient pas, absolument comme dans la chanson de Malbrough [2], excepté que Madame ne monte pas à sa tour et que j’espère ne pas vous voir rapporté par QUATRE CAVALIERS. Pauvre bien aimé adoré, comment supportes-tu cette fatigue et cette chaleur ? J’en ai mal à la tête et à la gorge pour toi. Je donnerais bien deux sous et deux bons verres de mon sang pour être sûre que tu vas bien et qu’il ne t’est rien arrivé. Pour moi je bous dans mon coin de la chaleur et de l’impatience et je donne au diable toutes les cérémonies FUNÈBRES et autresa qui m’empêchent d’être avec toi maintenant. Mon Toto dépêchez-vous de venir car enfin tous ces salamalecs doivent être finis et si vous tardez ce n’est plus que pour votre plaisir et pour m’inquiéter outre mesure.
Je vous préviens que je n’ai plus que deux ou trois feuillets de papier et que si vous ne m’en apportez pas d’ici à demain je serai forcée d’en faire acheter, c’est-à-dire de jeter de l’argent par la fenêtre. Maintenant J’AI DIT, baisez-moi mon amour et dépêchez-vous bien vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 11-12
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « autre ».

Notes

[1Victor Hugo assiste à un service funèbre solennel pour le prince royal de France, Ferdinand-Philippe d’Orléans, fils du roi Louis-Philippe, décédé le 13 juillet 1842 à Neuilly-sur-Seine d’un accident de calèche.

[2Référence à la chanson traditionnelle Malbrough s’en va-t-en guerre, dont un des refrains dit « Madame à sa tour monte / Mironton, mironton, mirontaine / Madame à sa tour monte / Si haut qu’ell’peut monter (ter) ».

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