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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 juillet [1842], mardi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon Toto bien-aimé. Bonjour mon pauvre adoré. Comment vont tes petites mains ce matin ? Comment va Toto le petit ? Je suis bien en peine de savoir comment vous avez passé la nuit tous les deux, mes chers petits amis. Je voudrais bien que tu pusses venir me donner de tes nouvelles et de celles du petit garçon [1]. Quand te verrai-je, mon pauvre amour ? Probablement pas aujourd’hui, du moins avant ce soir, à cause de l’académie et du travail que tu as à faire pour jeudi ? Quelle triste condition que la mienne. Toujours séparée de toi, inutile à tout le monde et à charge à l’homme que j’aime plus que ma vie. En vérité il y a des moments où le courage me manque pour continuer cette absurde existence. J’ai des tentations d’affranchissement, de liberté et de travail contre lesquelles j’ai peine à résister. Mais ce n’est pas le moment de te t’ennuyer de mes chagrins, pauvre amour, quand tu as un surcroît de travail. Parmi mes inconséquences il en est une qui me fait désirer ardemment d’être à jeudi pour admirer ton discours [2], quoique je trouve fort triste et fort maussade aujourd’hui de ne pas te voir quelques heures plus tôt à cause de lui. Je t’aime, mon Toto chéri. Je t’aime de toute mon âme. Je voudrais baiser tes quatre petites pattes, dont deux mains. Pense à moi, aime-moi et désire-moi si tu peux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 261-262
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette
[Souchon]


19 juillet [1842], mardi après-midi, 3 h.

Je l’avais trop bien deviné, mon amour, que vous ne viendriez pas avant ce soir. Encore si j’étais sûre que vous pensez à moi, que vous me regrettez, que vous me désirez, ce serait un adoucissement à votre absence. Mais je ne suis rien moins que convaincue de tout ce que je vous dis là, et pour moi il n’y a aucune compensation à l’ennui de ne pas vous voir. Je dis ennui pour ne pas dire un mot plus grand et plus vrai, au risque d’encourir toute votre indignation car vous ne voulez pas sous aucun prétexte qu’on S’ENNUIE. Enfin arrangez ça à la sauce que vous voudrez et si le mot vous choque trop, remplacez-le par le mot chagrin qui exprimera encore plus juste ce que j’éprouve en ce moment. Pauvre ange bien-aimé, tu t’occupes sans doute de ce discours et tu auras eu probablement séance à l’académie aujourd’hui ? Tout cela doit te fatiguer outre mesure et cela dans un moment où tu aurais tant besoin de repos. Quoique je sente plus qu’une [autre] le chagrin de vieillir, je voudrais cependant être à l’année prochaine dans l’espoir qu’elle nous sera plus favorable que celle-ci. En attendant je bisque, je rage, je mange du fromage tous les jours. Tâche de venir, mon Toto chéri, dès que tu auras un moment de libre. Tu ne sais pas combien j’ai besoin de te voir et tu ne sauras jamais combien je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 263-264
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1François-Victor est convalescent.

[2L’adresse au roi prononcée le surlendemain par Victor Hugo à l’occasion de la mort du duc d’Orléans, en tant que directeur de l’Académie.

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