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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 juillet [1842], samedi matin, 9 h. ¼

Bonjour mon cher petit Toto. Bonjour mon pauvre amour. Comment va ton cher enfant [1], comment as-tu passé la nuit ? Dépêche-toi de venir me le dire et de m’apporter ton petit bec à baiser de toutes mes forces : Papa est bien i mais il pourrait l’être encore davantage s’il venait plus souvent et s’il restait plus longtemps. Mon Dieu, quel beau temps, on mangerait le bonheur tout cru de ce temps-là. Pour mon compte, je donnerais bien des doigts de mes mains pour être avec toi à l’heure qu’il est à Saint-Goar [2] ou dans quelque lieu très éloigné d’où [nous] ne puissions pas revenir de longtemps. Le bon Dieu n’est pas toujours juste et voilà deux ans de suite qu’il se montre féroce envers nous. Je ne me gêne pas pour le lui dire tant que pour lui si ça ne lui convient pas il n’a qu’à me rendre mon bonheur de toutes les autres années et je lui dirai merci et nous serons très bons amis. En attendant, c’est toujours moi la plus malheureuse puisque c’est moi qui aime le plus ; c’est fort bête et fort injuste. Taisez-vous, vous, je vous défends de parler. Vous êtes un académicien, voilà tout ce que vous êtes, ce qui n’est pas très drôle même en vieux. Je vous aime mieux en vie. Taisez-vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 251-252
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


16 juillet [1842], samedi après-midi, 9 h. ½

Je viens d’envoyer acheter du papier, mon amour, puisque vous ne voulez pas absolument m’en apporter. Cependant je trouve cette dépense si absurde que je n’en ai fait prendre qu’un cahier dans l’espoir que vous reconnaîtrez enfin l’abus de ce genre de dépense et que vous m’en apporterez tout de suite du vôtre. J’ai écrit à Mme Franque pour la remercier et pour lui payer sa laine. J’ai écrit aussi à mon père et je ne vous attends pas pour envoyer les lettres à leur destination ! Je deviens téméraire comme vous voyez. Voilà ce que c’est que l’influence de la révolution de juillet et l’exemple du renversement de NOS INSTITUTIONS. Tout ça ne m’empêche pas de désirer de vos nouvelles et d’avoir le besoin de vous voir. Est-ce que vous n’allez pas bientôt venir ? Je finis par COMMENCER de trouver le temps long et si vous ne vous dépêchez pas d’arriver, j’irai vous chercher, je vous en préviens. Comment va notre petit Toto ? Il me tarde de le savoir. Il me semble que voilà un temps fait pour lui. Il fait chaud sans orage, c’est un véritable temps de santé. Les autres années pour nous c’était un temps de bonheur car nous étions en voyage ou bien près des voyages. Enfin il faut savoir se résigner mais c’est bien triste. Embrasse-moi mon cher amour, j’aime mieux cela et viens bien vite me consoler.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 253-254
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1François-Victor Hugo est convalescent.

[2Sankt Goar, ville allemande où Victor et Juliette ont séjourné du 14 au 22 septembre 1840.

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