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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 mai 1845

30 mai [1845], vendredi matin, 11 h. ½

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon doux, mon bon, mon bien bon Toto, bonjour, je t’aime, tu es ma vie. Tu es resté bien peu cette nuit, tu restesa toujours trop peu, mais c’est égal. Tu es venu, je t’ai vu, j’ai entendu ta douce voix et entrevu ton ravissant sourire, je suis heureuse, je suis contente, je suis courageuse, je suis forte, je me sens capable d’attendre jusqu’à MIDI sans faire la méchante. Tu ne sais pas, toi, ce qu’il faut de force et de courage pour résister seulement quelques minutesb au besoin de son cœur. Je ne te souhaite pas de le savoir jamais, cela fait trop de mal. Il n’y a pas de Chambre [1] aujourd’hui, il me semble ? À coup sûr, il n’y a pas d’Académie. Est-ce que tu ne viendras pas un peu plus tôt ? Je t’attends et je te désire autant que je t’aime. Cela te donne la mesure de ma patience et de ma résignation. Tâche de venir de le plus vite que tu pourras, mon Victor bien-aimé, tu me rendras bien heureuse.
Eulalie est revenue ce matin mais elle tient à finir les rideaux commencés. Ce n’est pas manque de déférence pour votre auguste nez, mais par simple économie pour épargner un blanchissage en ne les laissant pas traîner longtemps. Voilà, mon Toto, la cause du retard apporté à vos mouchoirs [2], retard que vous avez vous-même provoqué en ne faisant pas votre chiffre tout de suite quand on vous l’a demandé [3]. La semaine prochaine vous les aurez tout marqués et tout blanchisc. En attendant, baisez-moi et aimez-moi, sinon pour l’amour, pour la justice, car je vous aime tout plein mon cœur, moi, et encore davantage.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 239-240
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu reste ».
b) « quelque minutes ».
c) « tout marqué et tout blanchi ».


30 mai [1845], vendredi après-midi, 3 h. ½

Mon cher petit homme, vous n’êtes pas gentil, vous le voyez vous-même. Il est trois heures et je ne vous ai pas encore embrassé d’aujourd’hui. Si j’osais, je me fâcherais tout rouge, mais je n’ose pas parce qu’en définitive, c’est sur moi que ma colère retombe. Baisez-moi, vilain, et n’abusez pas plus longtemps de mon courage.
Je viens de payer la note de M. Frené. Je n’avais aucune observation à faire parce que c’était son portier qui me la présentait. D’ailleurs, je n’en aurais peut-être pas fait à lui-même sachant qu’il n’a pas encore loué son appartement et qu’il a toujours été plein de déférence et d’empressement pour nous tout le temps que nous avons demeuré dans sa maison. La note est de 28 francs. J’ai pris 30 francs dans ton sac pour la payer. Je ne voulais pas le faire revenir parce que déjà plusieurs fois, il avait fait demander si j’étais visible et puis je sais que tu aimes à payer tout de suite, c’est ce qui m’a décidée.
Mon Victor bien aimé, tout cela ne fait pas que je vous voie et tout cela ne m’empêche pas de trouver la journée bien longue. Quand donc viendrez-vous ? Mon Toto, mon petit Toto aimé adoré, je t’attends.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 241-242
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Séance à la Chambre des pairs.

[2Eulalie a pour tâche de broder des mouchoirs pour Victor Hugo.

[3Hugo a dessiné lui-même le chiffre à broder sur ses mouchoirs.

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