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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 mai 1845

10 mai [1845], samedi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon Toto aimé, bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon cher amour. Je ne t’écris pas à l’eau de rose, mais à l’eau de Cologne. C’est une invention que je viens d’avoir pour éclairer mon encre qui était à l’état de boue, mais cela ne m’a guère bien réussi. L’encre est restée d’un côté et l’eau de Cologne de l’autre et l’esprit de Juju entre les deux, comme la fameuse dix-septième lettre de l’alphabet entre deux selles. Une autre fois je vous écrirai de la bonne encre. Nous verrons si cela fera mieux.
Cher bien-aimé, je souffre de mon pied à ne pas savoir qu’en faire. Il me serait impossible aujourd’hui, quel que soit mon courage, de faire la petite escapade que j’ai faite hier au soir. Autant le temps m’avait paru court et charmant en allant, autant il m’a paru long et maussade en revenant. Je croyais que je n’arriverais jamais. J’avais pourtant la consolation des boutiques, mais tout cela est bien fade et bien terne sans toi. Décidément rien ne vaut le bonheur de courir comme un basque [1], accrochée à votre bras.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 157-158
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


10 mai [1845], samedi soir, 6 h. ¼

Je croyais avoir un Toto de VRAI et voilà que je n’ai qu’un homme plaqué. Merci, je ne suis guère volée. Unea autre fois je contrôlerai moi-même mes affaires et je ne m’exposerai pas à d’aussi amère déception.
J’attends ma péronnelle. Par extraordinaire, il ne pleut pas ce soir. C’était pourtant bien le moment, celui où son parapluie est cassé. Il faut croire que la fée du guignon était en ville dans le moment où cela est arrivé, car sans cela, elle n’aurait pas manqué son coup aujourd’hui.
J’ai vu Mme Guérard tout à l’heure. Elle partait pour une noce de Province. Elle tenait à me faire ses adieux, mais au fond, je crois, et elle ne s’en est pas cachée, qu’elle tenait encore plus à être embrassée par vous. Je lui ai dit que je serais son fondé de pouvoir, si ça pouvait l’obliger, ce qui l’a médiocrement charmée. Du reste, vous voyez que sans avoir l’honneur d’être caniche, je fonctionne assez bien pour une FAIBLE FEMME. Voime, voime, ne vous y fiez pas. Sans en avoir la peau, du susdit caniche, j’en ai les goûts et les mœurs. Vous savez, LA RAGE SPONTANÉE. Méfie-toi, Toto. Toto, méfie-toi. Et puis baisez-moi et aimez-moi tout de suite. JE MORDS.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 159-160
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « un ».

Notes

[1« Courir comme un basque » : « marcher beaucoup » (Larousse).

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