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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 juin 1845

3 juin [1845], mardi matin, 11 h. ¾

Bonjour, Toto aimé, bonjour, Toto chéri, bonjour, Toto adoré, bonjour, je vous souris de mon plus beau sourire. Je suis heureuse, je vous ai vu hier au soir. Je suis joyeuse, je suis contente, je chante comme un rossignol et je vous attends comme un RASOIR.
Depuis ce matin, j’ai un vérificateur qui stationne de chambre en chambre pour savoir ce qui a été fait au compte de la propriétaire. Pendant ce temps-là, j’ai sarclé mes fraises et échenillé mes arbres, ne voulant pas poser devant ce maçon endimanché.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o ravissant, je vous aime et je suis GEAIE. Vous voyez que je n’y mets pas d’entêtement et que je sais très bien être heureuse quand le bonheur se présente à moi sous votre forme. Cela devrait vous encourager, méchant homme, à venir plus souvent, sinon pour vous, pour moi. En attendant, ne me faites pas payer trop cher le pauvre petit morceau de bonheur que vous m’avez donné hier. Vous êtes assez coutumier du fait et vous reprenez volontiers le matin ce que vous aviez donné le soir et réciproquement. Que je vous y prenne, scélérat, et vous verrez sur quelle manche je me mouche. Baisez-moi, aimez-moi et soyez-moi bien fidèle si vous tenez à vos précieux jours.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 253-254
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


3 juin [1845], mardi après-midi, 5 h. ¼

Cher bijou, mon Victor, ma lumière, ma joie, mon âme, je pense à toi, je t’aime. Le sens-tu au moins ? J’ai bien regretté de ne pouvoir pas aller demain te voir à la Chambre [1], mais je n’en vois pas la possibilité. Mme Triger n’est même pas venue aujourd’hui, quoique ce fût le jour d’aller chez son cousin fleuri et que je sois sur son passage. Je t’avoue que j’aime mieux me priver, c’est-à-dire ajourner le bonheur de te voir en grand costume que de m’exposer à un refus de la part de la mère Triger ou de tout autre. Je n’admets pas qu’aucune créature humaine puisse se faire prier pour te voir. Voilà mon opinion. Si elle vous blesse, j’en suis fâchée. Je n’en rabattrai pas un iota.
J’ai reçu une lettre de Claire [2]. Elle me dit qu’elle ne savait pas qu’on eût chargéa personne, autre que la poste, de me faire [tenir  ?] les deux lettres qu’elle m’a écrites précédemment. Du reste, elle ne me dit pas si elle viendra chez moi jeudi après la séance ou si, en tout état de chose, elle s’en ira à la pension en sortant de l’Hôtel de Ville. Elle me prie d’y aller mais moi, je n’ose pas me risquer. Je me défie de notre chance à toutes les deux. Je suivrai ton inspiration, mais de moi-même, je n’y ai aucun entraînement.
Je viens d’être forcée de laisser mettre sur mes dalles deux affreux vasesb en terre cuite peints à l’huile que la portière m’a apportésc avec toutes sortes de génuflexions et de timidité. J’ai vu que je la désobligerais et que je l’humilierais énormément en la refusant et je me suis laisséed incommoder de ces deux horreurs. Tu penseras avec ta bonté ordinaire que j’ai bien fait et tu me baiserase mille fois pour m’indemniser.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 255-256
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « qu’on eût chargée ».
b) « deux affreuses vases ».
c) « m’a apporté ».
d) « je me suis laissé ».
e) « tu me baisera ».

Notes

[1La Chambre des pairs. Victor Hugo a été nommé pair de France le 13 avril 1845.

[2Cette lettre nous est inconnue.

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