Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1838 > Avril > 20

20 avril [1838], vendredi matin 11 h. ¾

Bonjour mon adoré, bonjour charmant petit homme, bonjour vous. Je vous aime. J’ai rêvé de vous, des bons petits rêves que je m’en licherais les doigts si je voulais. Il n’est pas aussi tard que le dit ma pendule mais comme il fait un froid de loup vous trouveriez bon que je reste au lit jusqu’au déjeuner. Je ne pense pas que Jourdain vienne mais d’ailleurs je n’ai que mes bas et ma robe de chambre à mettre et il attendra bien ce temps-là. Je suis très vexée que mes arrangements n’en finissent pas. J’aurais voulu voir comment vos idées faisaient employéesa. Mon cher petit bien-aimé, je vais mieux ce matin et rien de nouveau n’a paru à l’horizon. Ainsi ne te tourmente pas. J’enverrai Suzette tantôt chercher nos parapluies et reporter celui de Mme Pierceau. Toi de ton côté tu devrais bien écrire à Granier. C’est une affaire dont tu devrais te débarrasser le plus vite possible pour n’en plus entendre parler et pour obliger Mme Kraft qui attend après cela comme le messie. Jour mon petit homme, jour mon petit Toto, votre âme est aussi dure que douce est votre peau. Je vous aime, je vous adore. Vous allez rester encore toute la journée sans venir et ce sera bien ennuyeuxb et bien triste pour moi qui vous aime tant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 64-65
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain

a) « emploiées ».
b) « ennuieux ».


20 avril [1838], vendredi soir 7 h.

Scélérat de Toto, vous n’êtes pas revenu, pour ne pas être forcé de me mener chez la mère Pierceau. Vous êtes un affreux scélérat. Je suis restée sans feu jusqu’à présent et c’est vous qui en êtes cause. Je suis gelée et j’ai peine à tenir ma plume. Vous mériteriez bien que je ne vous écrive pas pour la peine. Vous êtes une bête, taisez-vous. Nous sommes rentrés dans nos parapluies et puis j’ai envoyé chez Jourdain qui ne pense pas venir avant lundi ou mardi au plus tard. C’est gentil. Vieux potiron de tapissier, va. Ha ! ça. Quand vous verrai-je, vous ? Il paraît que votre plus vif plaisir est de me voir le moins possible ? Et il faut que je trouve cela bon, et vous êtes étonné que je ne sois pas au ciel de ce petit genre que vous prenez avec moi ? C’est charmant en vérité et je me trouve bien absurde de ne pas prendre la balle au bonda puisque cela vous arrange si bien. Vous croyez peut-être que je ris quand je vous parle comme ça, mais vous vous trompez. Je suis très sérieusement fâchée car enfin je ne vois pas pourquoi depuis huit mois vous êtes changé de façon avec moi à ce point si vous m’aimez. Il est plus naturel de supposerb que vous ne m’aimez plus et c’est ce qui m’afflige à un point que je ne puis dire, pourtant moi je t’aime plus que jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 66-67
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain

a) « bon ».
b) « supposez ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne