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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Samedi 14 avril [1838], midi

Bonjour mon cher petit homme, comment vas-tu ? Comment vont tes yeux ? Comment va ton amour ? Je t’aime moi et mon Cantique des Cantiques c’est toujours : je t’aime. Si vous m’en croyez et si vous m’aimez vous ne clouerez pas sur votre mur votre grand parchemin qui donne de si vilains et de si dangereux conseils. Pensez à cela, aimez-moi et donnez votre recto et votre verso au premier passant. En attendant que je vous baise en personne je vais bien penser à vous, bien vous désirer et bien vous aimer. Je m’habillerai ensuite afin de ne pas vous faire attendre si vous venez me chercher. Le temps a l’air brouillé aujourd’hui, j’ai peur que l’homme à talent, l’arracheur de dents puisqu’il faut l’appeler par son nom [1], ne voie pas assez clair pour travailler avec succès dans nos cavités buccalesa. Vous déciderez la chose quand vous y serez, d’ailleurs c’est par vous qu’on commencera, mon petit homme chéri. Je t’aime, mon petit Toto, je t’adore, tu es ma joie et ma vie. Viens bien vite si tu veux que je sois bien joyeuse et bien heureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 46-47
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain

a) « cavitées bucales ».


14 avril [1838], samedi soir 8 h. ¼

Mon cher petit mouzon d’homme, je ne sais pas ce que vous avez mais je sais que je vous aime de toute mon âme et que je vous suis fidèle comme la plus amoureuse et la plus honnête des femmes et cela me suffit pour le moment. J’avais eu un petit mouvement d’humeur en vous voyant prendre la fuite au moment où j’allais prendre mon bain mais cela m’a passé tout de suite quand vous m’avez dit que cela ferait du mal à vos chers petits yeux adorés. Je vais écrire un petit bout de lettre à Mme Lanvin pour qu’elle m’amène Claire lundi matin avant 11 h. Je l’ai promis à M. de Barthès et puis je tiens peu au tête-à-tête avec ce Robert-Macaire [2] suranné. Mon Dieu, mon petit o, qui vous rendra confiant ? Je ne passe pas un seul jour sans voir des nuages sur votre beau front et toujours dans le moment où je vous aime le plus et où j’ai le cœur et l’amour sur les lèvres. C’est bien triste à penser. Pourvu que cela ne t’empêche pas de m’aimer, je le supporterai avec courage, tout est bon si tu m’aimes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 48-49
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain

Notes

[1Allusion à la fable de La Fontaine (« Les animaux malades de la peste », Livre septième, fable I) : « […] La peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom), / Capable d’enrichir en un jour l’Achéron, / Faisait aux animaux la guerre. […] »

[2Personnage de traître dans le mélodrame L’Auberge des Adrets (1823), qui eut un grand succès, et auquel Frédérick-Lemaître, interprète du rôle-titre, donna une suite en 1834, Robert Macaire.

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