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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 avril [1838], mercredi 11 h. ¼ du matin

Bonjour mon adoré, bonjour, toi, bonjour vous, bonjour ma joie. Comment vas-tu ce matin et comment m’aimes-tu ? Moi je t’aime de toute mon âme et je te désire de toutes mes forces. C’est aujourd’hui l’anniversaire de ma naissance. Je ne le remarque que depuis que je t’aime, auparavant j’oubliais le plus que je pouvais que j’étais au monde ; maintenant je t’aime, et les années, les mois, les jours, les heures, les minutes, les secondes, c’est de l’amour et je trouve très bien d’être au monde pour t’adorer et pour te servir. Si tu n’avais pas tes pauvres yeux si malades et si tu ne travaillais pas autant, je t’aurais prié de m’écrire un bon petit mot d’amour à cette occasion pour que j’aie quelque chose de toi à toucher et à baiser puisque tu ne peux pas me donner ta chère petite personne avant le 15 de ce mois. Il fait un temps magnifique mais tu ne viendras pas me chercher assez à temps pour aller voir mon père [1]. Il sera peut-être guéri lorsque nous irons le voir. Je le désire car il y a bien trop longtemps que le pauvre homme souffre. Je t’aime, mon Toto. Pense à cela et aime-moi aussi un peu. Sois-moi bien fidèle comme je le suis pour toi et nous serons bien heureux. Jour Toto, allez-vous bientôt venir ? J’ai bien besoin de vous baiser depuis les pieds jusqu’à la tête. Je vous aime tant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 36-37
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain


11 avril [1838], mercredi soir, 10 h.

Vous avez été bien bon et bien charmant tantôt, mon adoré. Je le sentais avec mon cœur et mon âme sans pouvoir le laisser voir sur ma figure, tant était vive la douleur de tête que j’avais. Le dîner, la lecture des journaux et les divers rangements auxquelsa je me suis livrée l’ont un peu apaiséeb et j’en profite pour te dire que tu es mon Toto bien-aimé et bien adoré. Je m’étais figuré que je devais dîner avec toi aujourd’hui, ce qui n’a pas peu contribué à me donner l’air triste et désappointé que tu as remarqué quand tu m’as eu dit que cela ne se pouvait pas. Mon pauvre adoré je ne t’en veux pas. Les raisons que tu m’as données ne sont que trop réelles et je me trouverais bien coupable d’y ajouter encore la mauvaise humeur et l’injustice. Avec tout ça vous avez profité de mon plat. Suis-je assez bonne, hein ? Non, mais le suis-je, vous aurez la bonté de vous souvenir toute votre vie que c’est le jour de mon anniversaire que je vous en ai fait cadeau et qu’il faut m’aimer de toutes vos forces et toujours.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 38-39
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain

a) « auquels ».
b) « appaisé ».

Notes

[1Juliette désigne ainsi son oncle René-Henry Drouet.

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