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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 avril 1838

10 avril [1838], mardi matin 11 h. ½

Bonjour mon âme, bonjour ma joie, bonjour ma vie. Comment vont tes yeux adorés, mon Toto ? Je ne peux pas m’empêcher de te demander cela. C’est ce qui m’intéresse le plus dans ce monde, j’y pense sans cesse. J’ai hâte que nous soyons arrivés au 15 de ce mois car alors j’aurai le droit d’exiger que tu te reposes et j’en userai. Mon cher amour, quelle joie ce sera pour moi de sentir ta belle belle bouche sur la mienne, de baiser tes beaux yeux et d’être sûre enfin que tu ne travailles pas. Il fait un temps ravissant ce matin, cela me fait penser à notre cher petit voyage annuel où nous étions si heureux et si bien à nous. Nous n’aurons pas le même bonheur cette année et en vérité je ne sais pas comment je ferai pour m’en passer quand viendra l’époque où nous avions coutume de partir. Ce sera bien triste et bien difficile à faire et je ne sais pas si tout mon courage et toute ma raison seront assez forts pour me faire supporter le plus grand sacrifice que j’aie jamais fait en ma vie. Mon cher adoré, ce sera bien triste et bien difficile, je ne sais pas si j’en aurai la force. Je t’aime, je t’adore, je t’admire et puis encore je t’aime et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 32-33
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain


10 avril [1838], mardi soir, 7 h. ¾

Mon amour, je t’écris l’amour et la joie dans le cœur. Tu as été si bon, si tendre, si charmant avec moi aujourd’hui qu’il m’a semblé retrouver le goût et le parfum de nos amours d’autrefois. Mon Toto, mon adoré, si ton amour allait refleurir comme une belle et éblouissante fleur du printemps, avec quelle extase et quel amour je la conserverais fraîche et rose dans le cœur. Pauvre bien-aimé, tes travaux ont été pour notre bonheur ce que l’hiver est pour les arbres et les fleurs, la sève s’était retirée bien loin au fond de ton cœur, et plus d’une fois j’ai cru qu’il était mort tout à fait. Maintenant je vois bien que non, que ce n’était qu’un engourdissement et que je vais revoir mon Toto beau, fleuri et parfumé comme dans les beaux jours de notre amour. Moi qui ne suis pas une belle plante du soleil comme vous, je me suis conservée mieux que vous et si je ne porte pas de fleurs j’ai du moins l’avantage de conserver en tout temps mon feuillage vert et entier, c’est-à-dire que je n’ai pas cessé de t’aimer et de t’adorer. C’est bien vrai, mon amour, je t’aime comme le premier jour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 34-35
Transcription de Mathieu Chadebec assisté de Gérard Pouchain
[Guimbaud, Massin]

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