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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 juillet [1844], lundi matin, 11 h.

Bonjour, mon petit Toto bien aimé, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour, bonjour, je t’aime, et vous ? Je compte sur vous pour ce soir ; je fais acheter des provisions en conséquence, vous seriez un très méchant homme de ne pas les venir manger et je serais très vexée et très malheureuse si vous me manquiez de parole.
Lanvin est chez vous dans ce moment-ci. Il n’est pas venu hier parce qu’il était allé à Ville-d’Avray voir ce pauvre vieux Saint-Hilaire [1]. Je vais donc revoir cette pauvre Cocotte ! Pauvre petite bête, je croyais bien lui avoir dit adieu pour toujours lorsque je te l’ai envoyée. J’espérais qu’elle aurait eu plein de succès auprès de Mlle Dédé. Quant à Margueritte [2], je m’en fiche supérieurement. Justement, voici ma pauvre Cocotte… dans quel état, grand Dieu ! Plus de queue ! Plus de belles petites plumes brillantes ! Elle est hideuse ! Il est vrai qu’elle est toute mouillée, ce qui ne contribue pas peu à la rendre effroyablement laide. Je ne sais pas si c’est une illusion mais il me semble qu’elle me reconnaît. Dans ce moment-ci, elle paraît souffrante, cela tient peut-être à sa mue, nous verrons cela plus tard. En attendant, je suis très contente de la ravoir. Je ne croyais pas l’aimer autant que ça mais je suis comme la petite fille au gigot [3], je vous aime encore plus qu’elle ; ça n’est pas CROYABLE mais cela est. Vous pouvez vous en assurer tout de suite, si vous voulez.
Jour Toto, jour mon cher petit o, je vous aime, je vous adore, je vous attends, je vous désire, je vous baise en pensée jusqu’à ce que je puisse le faire en action.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 263-264
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette


15 juillet [1844], lundi soir, 9 h. ¾

J’espère que tu vas me donner à copier, mon cher adoré, et je m’en liche les barbes d’avance. Tu verras que je ne serai pas en retard pour cela. Je voudrais être aussi sûre de ton empressement à me donner de la besogne que je suis sûre de mon empressement à la faire, je serai très contente et très ravie. Mon cher adoré bien aimé, si tu pouvais voir mon cœur comme il est pour toi, tu serais bien heureux et bien fier et tu m’aimerais de toute ton âme. J’espère que tu ne viendras pas trop tard ce soir et dans cette pensée, je fais préparer ton souper. Suzanne a voulu veiller pour donner un bon souper à Monsieur. Moi, je ne m’y suis pas opposéea, comme tu penses bien. Aussi, mon cher adoré, vous aurez un très bon souper ce soir d’après le pronostic de Suzanne. Dites donc, vous, venez encore me demander des Cocottes et vous verrez comme je ne vous en donnerai pas. Vous les rendez dans un trop joli état pour que je vous en confie d’autresb, merci. Cette pauvre Cocotte, avec sa queue à la Titus [4], a la plus drôle de mine qui se puisse voir ; je voudrais savoir quel est celui ou celle qui lui a fait cette plaisanterie ridicule pour lui en faire mon compliment. Voime, voime, vous êtes tous des scélérats. J’ai bien envie de vous la faire payer, cette même queue, et plus chère qu’au marché encore. Nous verrons cela tout à l’heure quand je vous tiendrai. En attendant, j’ai très mal aux yeux et j’ai toutes les peines du monde à te gribouiller ces quelques lignes ce soir. Voilà déjà un peu de temps que l’œil droit souffre, mais ce soir, je n’y vois pas du tout. C’est peut-être le sang qui me porte à la tête. Je n’en sais rien. Je sais que je t’aime, voilà tout.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 265-266
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « opposé ».
b) « d’autre ».

Notes

[1À élucider.

[2À identifier.

[3À élucider.

[4La coupe à la Titus, caractéristique des statues de cet empereur romain, consiste en cheveux courts à l’avant comme à l’arrière de la tête.

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