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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 avril [1844], mercredi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour mon cher bien-aimé, bonjour, mon adoré, comment vas-tu ce matin ? Je m’en veux, mon bien-aimé, d’avoir éteint ma lampe cette nuit ; cela m’a privée du pauvre petit moment de bonheur que tu venais me donner. Si j’avais été sûre que tu viennes, je ne l’aurais pas éteinte mais, dans le doute et très souffrante de colique et du mal de tête que j’étais, je me suis abandonnée comme une bête au sommeil, mais cela ne m’arrivera plus. J’en ai trop de regrets pour le faire encore.
Je te dirai, mon Toto, que je suis levée depuis deux heures avec toutes mes fenêtres ouvertes, mais je n’ai pas pu t’écrire auparavant à présent à cause de mille tours indispensables à faire dès que je suis levée. Cela ne m’empêche pas de penser à toi, de t’aimer et de te désirer. Rien ne peut m’en empêcher d’ailleurs, rien au monde. Je t’aime, mon Victor, je t’aime de toute mon âme. N’oublie pas que tu m’as promis, dès qu’il ferait beau, tu sais, la bonne culotte ? Pense que depuis huit grands mois, je n’ai rien eu à mettre sur mon pain. Il faut donc me donner une culotte d’indemnité, je ne l’ai pas volée, je t’assure, car j’ai été bien triste. Tâche de venir bientôt.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 53-54
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette


17 avril [1844], mercredi soir, 6 h. ¼

Tu vois que tu n’es pas venu, mon cher adoré ; avant-hier, c’était ton travail, hier, c’était Bernard, aujourd’hui, c’est ton oncle [1], demain, ce sera l’Académie, et ainsi de suite. Tu es à tout et à tous, excepté à moi. Enfin, que ta volonté soit faite ainsi que celle du bon Dieu. Toutes mes plaintes, tous mes maux de têtes, tous mes regrets, tous mes désirs et tout mon amour ne changent rien à cet état de choses ; il faut en prendre mon parti, dussé-je crever à la peine.
J’ai là une lettre de Mme Luthereau que je n’ai pas ouverte. Je craignais que ce ne soit pour me demander à dîner auquel car je n’aurais eu que l’infortune du pot à lui offrir. Mais voici l’heure passée, je n’ai plus rien à craindre de ce côté-là.
Je te dirai, mon Toto, que je suis toute souffrante et toute malingre. Je sais qu’il y a une raison pour cela, mais cela n’en est pas moins ennuyeuxa. J’ai des douleurs de cœur atroces, il me semble que je reçois de grands coups de couteau dans le cœur. C’est une sensation médiocre et dont je me passerais bien. J’aimerais mieux vous voir. Je ne suis pas si bête comme vous voyez. Hélas ! Dieu sait à quelle heure indue j’aurai ce bonheur. Trop heureuse encore si vous ne vous en allez pas au bout d’une minute. Hélas ! Hélas ! Hélas !

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 55-56
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « ennuieux ».

Notes

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