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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 mars 1844

19 mars [1844], mardi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon Toto adoré, bonjour mon trop joli petit homme. Comment que ça va ce matin ? Je ne vous demande pas pourquoi vous n’êtes pas venu déjeuner avec moi. Je vous le demanderai dans quatre-vingt-sept jours. D’ici là vous êtes parfaitement en règle vis-à-vis de moi. Votre bail étant renouveléa, paraphé et signé jusqu’à cette époque. Jusque-là, vous ne me devez rien : Voime, voime, prenez garde de la perdre et que je ne me transforme d’une minute à l’autre en impitoyable créancière qui vous poursuivra partout et plus loin encore s’il le faut pour obtenir son dû ou du moins quelques acomptes.
Puisque vous allez à l’Académie aujourd’hui venez me voir un petit moment. Vous en profiterez pour vous baigner les yeux et moi pour vous embrasser de toutes mes forces. Dépêchez-vous de venir.
J’ai déjà envoyé plusieurs baisers à votre petit bouquet que je vois en face de moi. Vous avez très bien fait de me l’apporter même sans queueb. D’ailleurs c’est un MYTHE ingénieux qui exprime mieux que tout certaine qualité académique que vous avez prise en entrant dans ce respectable corps dans ce bouquet dépouillé…. d’artifice. J’aime à voir que du moins vous vous rendez justice ; ia, ia, Monsire, Matame, il est son sarme. Baisez-moi, scélérat, vous n’avez que ce que vous méritez. La bouquetière vous avait flairé académicien en vous vendant ce bouquet………….c
Elle a bien fait, je l’approuve. Baisez-moi, cela ne tient pas à conséquence. Jour Toto, jour mon cher petit O Je vous aime comme ça, c’est mon goût mais je ne vous haïrais pas autrement. Baisez-moi et taisez-vous.

Juliette

Bibliothèque Romain Gary, Ms. 886 (9)
Transcription de Marion Lemaire

a) « renouvellé ».
b) « queu ».
c) Les points de suspension courent jusqu’au bout de la ligne.


19 mars [1844], mardi soir, 10 h. ½

Je t’écris bien tard, mon Toto, tu sais pourquoi. J’ai eu de plus ce soir la visite intéressée de la mère de Mme Guérard. Je lui ai donné ses 10 F. Ces deux femelles ne s’en sont en allées ensemble qu’à dix heures. J’ai apprêté mon lit avant de t’écrire pour de me fourrer dedans dès que j’aurai fini car je suis vraiment bien souffrante. Je ne t’ai pas beaucoup vu aujourd’hui, mon Toto. J’aurais le droit d’être grognon mais tu sais ma résolution, je veux la tenir. Pourtant il ne faudrait pas, de ton côté, me rendre la tâche impossible, elle est déjà trop difficile comme cela.
Je crois mon Toto que nous avons fait un véritable bon marché aujourd’hui avec ces mouchoirs et vraiment nous en avions besoin toi et moi. Pour les chemises, il me semble que si on peut te les faire faire tout en toile pareille et à 15 F au lieu de 18 F, ce sera aussi une très bonne affaire. Tu verras, tu y penseras et tu décideras. Je te dis tout cela comme en revenant de Pontoise [1] mais c’est que vraiment je ne sais plus où j’en suis avec mon affreuse tête. Il faut avoir l’amour enragé que j’ai pour vous pour trouver le courage de vous gribouiller ces stupidités. Mon petit Toto chéri, dans toutes ces billevesées qui n’ont ni queue, ni tête, ni rime, ni raison, il y a de l’amour et du plus exquis et du plus tendre et du plus désirant qui se puisse trouver. C’est comme cela qu’il faut les lire et puis il faut m’aimer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 307-308
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

Notes

[1Proverbe dont l’origine est incertaine mais qui signifie « être troublé, confus » voire niais.

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