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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 mars 1844

11 mars [1844], lundi matin, 10 h. ½

Bonjour mon petit Toto bien aimé, bonjour mon adoré petit homme, bonjour comment vas-tu, mon cher adoré, comment m’aimes-tu ? Moi je vais bien et je t’adore, voilà mon état ce matin. Ma Clairette est partie à 7 h. ½. Je l’ai embrassée et je lui ai repromis en ton nom de l’aller voir à la pension cette semaine. Il faut donc que je vous donne mes deux beaux mouchoirs ? Mais, cher scélérat, je ne peux pourtant pas me moucher dans mes doigts ; et s’il faut que j’aie des mouchoirs, n’est-ce pas plus naturel que ce soit moi qui aie les beaux et vous les vilains ?
Je vous les donne pour cette fois-ci, mais ne vous y habituez pas, je n’entends pas ça.
C’est aujourd’hui que j’ai Mme Luthereau à dîner. Cette pauvre femme va être bien touchée de cette nouvelle preuve d’intérêt que tu lui donnes [1]. Elle t’aimait déjà depuis longtemps mais maintenant c’est un culte. D’abord il est impossible de t’approcher sans t’adorer, voilà ce qui est sûr. Quant à moi, je sais que je t’adore depuis la première minute où je t’ai vu et qu’il me serait impossible de vivre sans t’aimer. Oui, mon cher bien-aimé, c’est la vérité. Je ne pourrais pas vivre sans t’aimer pas plus que je ne pourrais vivre sans respirer. L’un m’est aussi nécessaire que l’autre.
Je t’aime. Je t’aime. Je t’aime. Quel bonheur si tu pouvais venir tout à l’heure ! Mon Toto je t’aime trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 277-278
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette


11 mars [1844], lundi soir, 5 h.

Tu es sans doute dans les candidatures [2] jusqu’au cou, mon bien-aimé, aussi je ne t’en veux pas, je te plains. Je voudrais pourtant bien que cette affaire, toute importante qu’elle soit, ne me prive pas plus longtemps du bonheur de te voir. Je t’attends, mon amour, et je t’aime, deux choses dont une seule suffit pour faire trouver le temps mortellement long. Dépêche-toi donc de congédier tous ces hideux candidats et de venir bien vite auprès de moi.
Les coquillages ne sont même pas arrivésa aujourd’hui où j’aurais pu en faire goûter à cette bonne Laure [3]. Il est probable qu’elles [4] m’arriveront pour moi toute seule ce qui me sera bien agréable. La pauvre chi chi n’a même pas de chance pour cela. Voime, voime il faut bien en prendre son parti.
Le Granger a envoyé toucherb son argent ce matin, je le lui ai donné comme tu pensesc.
Je t’attends pour te demander si tu veux du sirop, tu n’en as plus mais si tu veux finir ta tisaned avec du sucre c’est inutile d’en acheter. Tu verras à décider cette grave question. D’ici- là je m’abstiens. Mme Luthereau n’est pas encore arrivée. Tout le monde se modèle sur vous et se croit en droit de me faire attendre, c’est RIDICULE. C’est votre faute aussi. Taisez-vous et venez, ça vaudra mieux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 279-280
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « arrivées ».
b) « touché ».
c) « pense ».
d) « tisanne ».

Notes

[1Victor Hugo a accepté « d’apostiller » une pétition en faveur des Luthereau. À préciser.

[2Deux sièges se sont libérés à l’Académie française et plusieurs candidats, dont Vigny et Sainte-Beuve, se disputent ces places.

[3Laure Krafft devenue Mme luthereau

[4Juliette utilise le féminin car elle attend des coquilles Saint-Jacques (Lettre du 3 mars, matin).

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