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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 février [1844], vendredi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon petit bien-aimé adoré. Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, je t’aime.
Comment vas-tu ce matin ? Toujours bien encombré d’affaires et de travail, n’est-ce pas mon pauvre bien-aimé ? Je te plains et je m’en veux de ne pouvoir pas t’aider en rien. Je ne suis bonne qu’à t’aimer, je trouve que ce n’est pas assez. Je voudrais encore te donner ma force, ma santé et ma vie. Malheureusement tout cela ne peut pas te servir, ce qu’il te faudrait je ne l’ai pas, le bon Dieu et l’éducation n’ont rien fait pour moi de ce côté-là. Je suis une pauvre Juju qui ne sait que vous aimer.
Si tu sors aujourd’hui et que cela ne te dérange pas, mon amour, voudras-tu me faire marcher un peu ? J’en ai bien besoin, j’ai un mal de tête affreux ce matin. Il est vrai que lorsque tu liras ce gribouillis l’heure de la promenade sera passée et trépassée. Je ne pense jamais que j’écris. Pour me faire un peu de plaisir, je me figure que je te parle, c’est ce qui fait que je te dis un tas de choses qui, lues le soir après douze ou quinze heures, n’ont plus aucun sens. Enfin ce n’est pas ma faute et tu sais bien que c’est toi qui le veux. Car pour moi j’ai tellement la conscience de ma bêtise que je n’écrirais tous ces bavardages que pour moi et pour diminuer l’ennui mortel de ton absence.
Jour Toto, jour mon cher petit o, votre écran sera fané si vous ne l’emportez pas aujourd’hui. Après cela il n’est pas tout à fait assez bien fait pour soutenir l’examen des regards indifférents. Je crois qu’il vaut mieux attendre qu’elle se soit perfectionnée dans ce genre de travail. Pourtant il est à toi si tu le veux, trop heureuse que tu veuilles bien le prendre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 209-210
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette


23 février [1844], vendredi soir, 5 h. ¼

J’espère que tu auras retrouvé ta bourse et ton billet dedans, mon cher petit, ce serait avoir trop de chance que de la perdre de cette façon. Je croyais, mon cher petit homme, que n’ayant pas d’Académie aujourd’hui, tu me ferais sortir. Je m’étais bien trompée comme tu sais. J’ai pris mon parti assez courageusement. Je me suis promis de ne pas te tourmenter le moins que je pourrai et je me tiendrai parole si mes forces ne trahissent pas ma résolution. Je pense que tu avais sans doute, outre ton travail, des visites à faire aux dames Parent, Nodier, Menessier [1] et autres. J’ai compris que tu ne pouvais pas faire autrement et j’ai accepté ma réclusion avec la meilleure grâce possible.
J’espère que de ton côté tu auras la conscience d’y être le moins longtemps possible et de penser que je t’attends et que je te désire. Les jours grandissent déjà beaucoup, mon Toto, je m’en aperçois avec joie pour toi et pour tes pauvres yeux, mon cher amour, tu pourras marcher à ton aise et voir du vert bientôt.
En attendant, ta Juju t’aime de toute son âme et de tout son cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 211-212
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

Notes

[1Allusion probable à la femme de Jules Ménessier, gendre de Charles Nodier. Toutes ces femmes viennent de subir un deuil.

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