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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 janvier 1844, mercredi matin, 11 h. ½

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour mon cher bien-aimé, bonjour. Je ne veux pas être triste pour ne pas t’attrister. Je veux tâcher d’avoir du courage pour être digne de toi. Je veux te sourire pour te délasser de tes fatigues. Je veux être belle… Hélas ! À l’impossible nulle Juju n’est tenue. Mais enfin, je veux te plaire coûte que coûte. Je veux t’adorer pour être aimée de toi. Je veux être une Juju accomplie pour que tu sois heureux. Si je n’y parviens pas, ce ne sera pas de ma faute.
En attendant, je suis dans mon lit bien encharibottée [1], je t’écris et je voudrais que tu vinssesa m’interrompre. Je viens d’écrire aussi à Brest [2] pour cette stupide histoire après quoi j’écrirai mon linge. Que d’écritures, grand Dieu, et puis je déjeunerai et puis il sera plus d’une heure quand je sortirai de mon lit. Du reste, c’est pour économiser quelques bûches que je reste dans mon lit si tard. Je sens pourtant que cela a l’inconvénient de me donner des airs de mollesse ridicules qui sont loin d’être dans ma nature.
Justement te voilà mon cher amour, je suis heureuse. Je finis ma lettre pendant que tu baignes tes yeux adorés. Viens me baiser encore une fois.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 89-90
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « vinsse ».


24 janvier [1844], mercredi soir, 7 h.

J’ai bien employé mon temps, mon amour, depuis que je t’ai vu. Je n’ai pas perdu une minute et cette bonne Eulalie non plus. Je pensais ne la garder qu’un instant et je l’ai gardée jusqu’à la nuit. Il est sept heures mon cher petit homme, est-ce que je ne te verrai pas avant le dîner ? Ce n’est pourtant pas aujourd’hui que tu as donné rendez-vous à M. Duvergier. Tu travailles, je le sais bien, mais c’est égal, tu pourras bien, si tu voulais, trouver un moment de temps pour venir me baiser. Si j’étais à votre place Toto, je n’agirais pas comme ça. Taisez- vous, vilain vous, allez dire des menteries et des académicienneries. Taisez-vous, taisez-vous. Pour me consoler j’ai fait tailler un tas de machins et de choses plus ou moins utiles. Je vais me mettre ce soir même à faire la housse de ma chaise que vous me salissez avec vos coiffures richichipinchi [3].
Je suis triste, mon Toto, malgré que j’en aie, car je vois bien que vous ne viendrez pas ce soir. Il me faudra attendre encore jusqu’à une heure du matin pour vous voir. Hélas ! Ça n’est ni gai ni encourageant. Cependant, je veux croire que ce n’est pas ta faute. Je t’aime trop mon adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 91-92
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

Notes

[1Néologisme de Juliette Drouet.

[2À sa sœur et son beau-frère.

[3Mot formé sur « Richi », nom du coiffeur de Victor Hugo.

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