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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 novembre [1843], mercredi matin, 10 h.

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour je t’aime de toute mon âme. Comment vas-tu ce matin, comment va ton mouchement de sang ? Tu n’es pas venu te reposer auprès de moi. Sans compter sur ta promesse plus que d’habitude, cependant, je t’avoue que je l’espérais un peu. Pauvre adoré, tu as sans doute des raisons sérieuses qui t’empêchent de venir car tu sais qu’il est impossible d’être plus désiré et plus aimé que tu l’es par moi. Tu le sais bien, n’est-ce pas ? Pourquoi alors ne viens-tu pas ? Autrefois tu travaillais aussi autant qu’à présent mais cela ne t’empêchait pas de venir plusieurs fois par semaine te reposer auprès de moi. Il y a, évidemment, une autre raison que je ne connais pas. Si elle est bonne à me calmer et à me faire prendre curage et patience tu devrais me la dire, mon cher adoré, car bien souvent je crois que c’est que tu ne m’aimes plus. Ce ne sera jamais à ta bonté et à ton dévouement que je m’apercevrai de ton éloignement pour moi car, par la générosité de cœur qui t’est propre, tu serais encore, dans ce cas-là plus doux, plus indulgent et plus dévoué pour moi. Je te connais bien, mon adoré, c’est ce qui me fait craindre que cette espèce de résistance que tu apportes à mes prières de tous les jours ne cache un refroidissement du cœur pour ta pauvre Juju. Si je me trompe, toi seul le saisa, avoue que les apparences sont bien trompeuses. Je ne voudrais pas te tourmenter, mon bien-aimé adoré, c’est pour cela que je te prie à genoux de me dire quels sont les motifs qui t’empêchent de venir te reposer auprès de moi. Tu n’as plus d’ouvriers depuis longtemps, ta famille, grâce à Dieu, se porte bien. À quoi donc puis-je attribuer ton absence ? Tu vois, par l’importunité de mes sollicitations, combien je t’aime et combien tu es ma pensée, mon souci, ma joie et ma vie. Depuis bientôt onze ans mon amour n’a pas faibli d’une seconde. Je t’aime comme le premier jour. Je t’aimerais plus même si on pouvait t’aimer plus qu’à l’infini, plus que de toute mon âme ? Si tu m’aimes encore tu dois, non seulement me pardonner mes importunités, mais en être très bien heureux puisqu’elles n’ont d’autre but que de te posséder pour t’adorer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 53-54
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « sait ».

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