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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 décembre [1843], lundi matin, 9 h. ¾

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour, mon adoré petit homme, bonjour, bonjour toi, bonjour vous, bonjour Toto. Comment vont tes pauvres yeux ce matin ? Tu devrais venir les baigner tout de suite, cela te les rafraichirait et cela me ferait grand bien à moi qui ne te vois presque plus du tout. Ma péronnelle vient de s’en aller seulement à présent. C’est la mère Lanvin qui la conduit. Elle part assez courageusement, j’ai réussi à lui redonner de la gaieté et du cœur au ventre. J’espère que cette petite provision lui durera jusqu’au samedi en quinze. Cette pauvre enfant a une passion de la maison qui ne peut s’attribuer qu’à l’affection qu’elle a pour nous car Dieu sait que ce ne sont pas les plaisirs et les distractions qu’elle y trouve qui l’attirent.
Mon Toto bien-aimé je t’aime. Il n’y a pas de mots assez expressifs pour te dire combien je t’aime. C’est bien plus que toute mon âme, c’est plus fort que l’amour d’une mère pour son enfant, plus respectueux que l’amour d’une fille pour son père, plus tendre que celui d’une femme pour son amant, plus sublime et plus saint que l’amour des anges pour Dieu. Je t’aime mon Victor, je t’aime. Dans ces deux mots-là il y a toute ma vie et toute mon âme. Pense à moi, mon Toto chéri, je le sentirai et cela me donnera du courage pour t’attendre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 179-180
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


18 décembre [1843], lundi soir, 6 h. ¼

Où es-tu, où es-tu, mon cher bien-aimé, pour que j’aille baiser tes chers petits pieds ? Je te désire et tu ne viens pas. Pauvre ange, je sais que tu travailles. Je voudrais baigner tes yeux de baisers pour les calmer, je voudrais couvrir tout ton ravissant petit corps de mes caresses pour que tu ne sentes pas la fatigue. Je t’aime mon Victor adoré, ô je t’aime.
Je suis toute seule mon Toto, ma péronnelle a été rebouclée ce matin. J’ai vu ma mère Lanvin après l’opération. Je lui ai demandé ce qui s’était passé hier chez Pradier. Elle m’a dit qu’il avait été très occupé et très préoccupé pendant le temps de leur visite mais que cependant il avait été très affectueux pour sa fille, qu’elle attribuait la tristesse de Claire à l’espèce de refus que son père lui avait fait de son portrait. Voilà, mon Toto, à peu près la vérité car je soupçonne la mère Lanvin de matelasser les torts de Pradier envers sa fille vis-à-vis de moi. Au fond elle sait bien à quoi s’en tenir et moi aussi. Du reste elle fait très bien, c’est une bonne femme.
Mon Dieu que je voudrais donc te voir, mon adoré, je t’ai vu si peu hier et la journée a été si longue et si triste aujourd’hui que tu ferais bien de tâcher de venir tout de suite.
Depuis hier j’ai de très violents maux d’estomac, je ne sais pas à quoi cela tient. Je crois que j’aurais besoin de marcher un peu, voilà quinze jours que je ne suis pas sortie.

7 h. ¼

Je t’ai vu quelques minutes, mon adoré, et dans si peu de temps tu as trouvé moyen de me dire les choses les plus consolantes, les plus rassurantes, les plus douces et les plus sublimes qui soient jamais sorties des lèvres humaines. Sois béni mon adoré autant que je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 181-182
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

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