11 septembre [1842], dimanche après-midi, 3 h. ½
Pour cette fois, mon cher amour, je ne vous crois que trop bien parti [1] à force de craindre. Il n’est que trop probable que le sujet de mes craintes ne se soit enfin réalisé. Si, par un bonheur que je n’ose espérer, mon adoré, tu venais dîner avec moi ce soir, je serais la plus heureuse des femmes de France, d’Europe et de touta l’univers. Hélas ! Hélas ! Hélas ! C’est peu probable et je ne me fais pas la moindre illusion sur mon malheur.
Je viens de donner permission à ma serventre d’aller voir sa tante jusqu’à six heures comme son dîner est fait. Il n’y a aucun inconvénient à cela en supposant la bonne chance de vous avoir à dîner. Je suis destinée à rester toute la sainte journée seule puisque la mère Pierceau me fait faux bondb. Je n’aurai même pas la consolation de parler de vous. C’est bien CHESSE pour un dimanche. Vous, ça vous est égal, vous quittez une pauvre Juju qui vous adore pour des chères petites bonnes gens que vous aimez. Vous ne vous apercevez pas du vide de mon amour. Mais moi qui n’ai que vous au monde, quand vous me manquez, tout me manque. Tâchez, mon cher bien-aimé, de ne pas avoir froid ce soir et de ne pas attraper d’humidité. Tu avais mal à la gorge tantôt, mon pauvre amour, et il ne faudrait qu’un refroidissement pour le rendre sérieux. Pense à moi, cher bien-aimé, en embrassant tous tes adorables petits enfants et reviens bien vite auprès de moi qui n’ai de joie que de te voir et de bonheur que dans toi. Je baise tes quatre petites pattes blanches. Je te désire, je t’attends et je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16350, f. 123-124
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette
a) « tous ».
b) « bon ».