Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1842 > Janvier > 4

4 janvier [1842], mardi soir, 6 h. ¼

Je t’écris, mon cher adoré, terrassée par le mal de tête. Je n’en puis plus à la lettre et si j’osais, je crierais de toutes mes forces. J’ai eu la visite de Mme Devilliers et Dupressoir et pendant qu’elles étaient là, Mlle Hureau est arrivée, qui n’a pas voulu entrer. De toutes ces visites, qui chacune d’elles a duré fort peu, celle de Mlle Hureau m’a été la seule véritablement agréable à cause de l’excessive bonté de cette excellente et aimable demoiselle pour ma pauvre péronnelle. Du reste, elle paraissait fort triste et je crains qu’elle ne se retire tout à fait et de la pension et de l’éducation. Je me trompe peut-être. Je le désire plus que je ne l’espère. Quant à ces femmes, elles étaient très parées et très cérémonieuses, comme il convient à ces espèces d’autruches. Moi, j’étais à peine vêtue et débarbouillée comme c’est assez mon habitude mais je m’en moque comme de l’an 40. J’ai expliqué à Mlle Hureau pour la lettre à M. Comte [1]. Elle a paru comprendre mais cependant elle n’a pas pu me dire si son beau-frère se rendra à cette bonne raison. Maintenant nous avons fait ce que nous devions, c’est au beau-frère à suivre tes conseils s’il veut le succès.
Je t’ai fait acheter du raisin, mon adoré, 15 F. la livre, mais il n’y a pas à liarder car tu en as besoin et il vaut encore mieux manger du raisin que des cataplasmes et des sangsues. Ainsi, c’est dit, tant qu’on en pourra trouver, on t’en achètera. La mère Lanvin doit venir demain à ce que son mari a dit à Suzanne qui l’a vu au marché.
Jour Toto. Jour mon cher petit o. Je t’aime. Ne me juge pas sur ce matin où j’étais si malade mais reviens cette nuit et tu m’en diras des bonnes nouvelles. En attendant, je souffre comme une damnée et je voudrais pouvoir m’arracher la tête afin de voir ce qu’il y a dedans qui me fait tant souffrir, mais je ne le peux pas malheureusement. Tout ce que je t’écris est si niais et si stupide que je ne sais pas même, avec tout l’amour que je te suppose et que je te désire, comment tu as le courage de les lire. Quant à moi, cela me serait impossible avec la meilleure volonté du monde, mais je t’aime mon Victor, je t’aime autant que je suis bête, il n’y a rien au dessus de ça. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 11-12
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

Notes

[1À identifier.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne