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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Aux Metz, jeudi matin [24 septembre 1835], 8 h. ¾

Bonjour, mon Victor chéri, bonjour, mon amour, je t’aime. Je suis heureuse, nous allons être ensemble aujourd’hui plus que ces deux jours passés où nous avions un obstacle entre nous deux qui empêchait tout rapprochement. Et puis il fait un si beau temps, et puis, et puis, c’est que je t’aime, voilà pourquoi je trouve tout beau, tout rayonnant autour de moi. Je suis restée dans mon lit jusqu’à 8 h. ½ bien que je fusse éveillée depuis 7 h. du matin, mais je me suis roulée dans mon lit d’un bord à l’autre en pensant à vous et en lisant les journaux d’hier. Hier au soir, j’étais rentrée à 7 h. juste juste juste. Je me suis déshabillée, j’ai rangé mes affaires, j’ai dîné, je t’ai écrit, j’ai fait mes comptes. Ensuite j’ai lua Claude Gueux jusqu’à 10 h. ½, j’ai mis mes papillotesb, je me suis couchée à 11 h. Je me suis endormie dans toi et sur toi, j’ai rêvéc du petit Toto que je baisais et que j’aimais dans mon rêve à rendre jaloux le grand et puis tu as vu l’histoire de ma matinée jusqu’à présent. Je vais faire ma toilette, m’habiller et déjeuner. Après quoi je m’en irai avec la bonne par la prairie.
À tantôt, mon chéri, à tantôt, mon bonheur, à toujours pour t’aimer et pour te désirer. Je t’aime dans le cœur, je te baise en idée, je t’adore de l’âme, je t’admire de toutes les facultésd de mon intelligence.
Pense à moi, viens le plus vite possible. Je te tends les bras, la joue et tout mon être  ?.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 292-293
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « lue ».
b) « papillottes ».
c) « rêvée ».
d) « facultées ».


Jeudi [24 septembre 1835], 1 h. ¼ après midi

Mon cher petit Toto, notre belle matinée a été troublée par cette espèce de petitea rechute à laquelle je ne m’attendais pas si tôt. Je suis d’autant plus fâchée de cette réminiscence qu’elle nous a privésb d’un grand bonheur dont je suis toujours avare.
Pauvre bien-aimé, comme tu as été bon et charmant ce matin. Cela ne peut pas se dire, les mots ne sont rien à côté de ta jolie petite figure épanouie.
Mon cher petit Toto, tu ne m’en voudras pas si je t’écris une lettre moins longue que de coutume. J’ai des douleurs d’entrailles si fortes, que je ne sais comment me tenir et cependant j’ai pris du laudanum. Je suis vraiment très triste d’être encore retombée malgré les soins et le régime. Encore une fois, mon cher bien-aimé, mon adoré, ne te fâchec pas si j’interrompsd si brusquement toutes les tendresses que j’avais à te dire, mais je souffre tellement que je ne peux pas continuer.
Je t’aime mon Toto.

Juliette

[Adresse :]
À mon adoré

BnF, Mss, NAF 16324, f. 294-295
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « petit ».
b) « prisvée ».
c) « faches ».
d) « interrompts ».


Aux Metz, jeudi soir [24 septembre 1835], 8 h.

Mon Victor adoré, je t’aime, je n’ai aucun mal, je n’ai que la crainte que cette longue immersion ne t’aita pas aussi bien réussib qu’à moi.
Ma pauvre âme, mon beau corps, je voudrais vous avoir à présent auprès de mon bon feu pour vous aimer et vous réchauffer avec mon amour et mes baisers.
Mon bon chéri, à peine t’avais-je perduc de vue que j’ai rencontré Hyacinthe [1]. Elle avait eu la précaution de m’apporter des souliers de rechange et de m’apprêter un bon feu. Je suis rentrée à six heures moins 5 m. J’ai changéd de tout. Ensuite, j’ai fait tout laver pour demain dans le cas où il ferait beau, je veux être la première au rendez-vous.
Mon cher bien-aimé, mon Victor, je ne donnerais pas cette journée et surtout ce moment où je tremblais de froid sur tes genoux pour la plus belle et la plus rayonnante de nos journées d’été. Il me semble que nous nous sommes régénérés à ce baptême dont le ciel faisait tous les frais et dont l’amour était parrain. Je voudrais être bien sûre que tu n’es pas malade de cette station amphibie que nous avons faitee dans les bois pour me livrer à l’amour et à la joie d’en être sortis sains et saufsf et nous aimant encore plus.
J’ai fait déjà mille actions de grâce pour la bonne pensée qui m’avait fait laisser mon adorable petite lettre ici. Je ne me serais jamais consolée si je l’avais noyée et perdue dans ce déluge.
Bonsoir, mon chéri, ne travaille pas, ne souffre pas et aime-moi. Je t’aimeg.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 296-297
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

a) « ai ».
b) « réussie ».
c) « perdue ».
d) « changée ».
e) « faites ».
f) « sain et sauf ».

Notes

[1Hyacinthe est la bonne de Juliette.

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