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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1835 > BnF, Mss, NAF 16323, f. 88-89

Mercredi matin, 10 h. 5 m.

Bonjour, mon cher petit Toto, es-tu moins triste qu’hier au soir ? Ta préoccupationa et ta tristesse ont déteint sur mon humeur aujourd’hui. Je suis à mon tour très triste et très abattue, uniquement parce que tu l’étais hier. Ajoutes-y une nuit très fatiganteb. Jusqu’à 4 h. ½ du matin, je m’étais relevée 3 fois, et tu auras l’idée de la disposition d’esprit et de corps dans laquelle je me trouve au moment où je t’écris ces lignes. Je vais cependant tâcher d’en sortir le plus que je pourrai. Pour cela, je vais faire tout mon possible pour oublier ta préoccupationad’hier. Je vais surtout m’appliquer à ne pas l’attribuer à du dégoût et à de l’ennuic, toutes choses que ma position rend très possibles et très croyables, et qui me désespèrent parce que je les avais prévues il y a dix mois [1] lorsque je voulais t’empêcher d’entrer plus avant dans mon passé et dans mon avenir. Il est bien triste pour moi de voir s’accomplir une des plus amères prévisions de ce temps-là. J’ai le cœur malade de la seule pensée que cela peut arriver. Je crains de te faire trop mal de mon mal, dans le cas où elle serait peu fondée, cette pensée que tu as l’air de traîner avec moi le fardeau du passé. Aussi je voudrais t’écrire de bonnes paroles pleines de confiance et de sécurité. Si je ne réussis pas à faire disparaître toutes mes inquiétudes, ne t’en offense pas et tiens-moi compte de l’intention. Pensed aussi quel doit être mon désespoir quand à la suite de ces tristes scènes qui viennent troubler notre intérieur, je t’en vois triste et accablé, comme si c’était ma faute. Pensed enfin, que quand tu es triste, je suis triste, que quand tu es heureux, je suis heureuse et ainsi de suite pour tout ce qui arrive dans ma vie.
Mon cher bien-aimé, encore une chose qui m’afflige, tu n’es pas venu ce matin, pourquoi ? Oh ! je t’aime, va.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16323, f. 88-89
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « préocupation ».
b) « fatiguante ».
c) « ennuie ».
d) « penses ».

Notes

[1Le 2 août 1834, Juliette quitte brusquement Paris suite à une dispute. Elle part à Saint-Renan chez sa sœur, Renée Koch, après être allée chercher sa fille Claire à Saumur. Soit Juliette fait allusion à cet événement survenu dix mois plus tôt, et la lettre date de juin, soit elle fait allusion à une autre crise.

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