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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 octobre 1839

27 octobre [1839], dimanche soir, 7 h.

Je t’écris une seconde lettre, mon Toto, parce qu’il me semble à la longueur du temps et surtout à ma tristesse que je ne t’ai pas vu depuis hier, aussi l’habitude de t’écrire deux fois par jour est-elle revenue comme si effectivement tu m’avais quittée hier au soir au lieu de tantôt [1]. Mon cher adoré, penses-tua à moi ? M’aimes-tu ? Me plains-tu ? Me désires-tub et vas-tu bientôt venir ? Moi, je te désire, je t’aime, je t’adore et je suis triste. Je donnerais ma vie pour deux liards. Il est stupide de dire que parce qu’on [a] été deux mois heureux, deux mois vivant dans le soleil, dans l’amour et dans la liberté on [doive  ?] sentir moins vivement le chagrin de l’absence : moi je suis enragée ce soir, et je donnerais toute ma vie pour être sûre de passer ce soir et cette nuit avec toi. Voilà à quoi sert le bonheur dans l’amour, c’est à vous faire trouver l’absence d’un jour, d’une heure, d’une minute, une chose odieuse et insupportable. Ceux qui sentent autrement n’aiment pas, voilà tout. Je souffre. Je me figure que tu es heureux sans moi, que tu ne pensesc plus à moi, que tu n’as plus besoin de moi et je voudrais mourir. Si j’étais seule, je pleurerais, je crierais, je me taperais la tête contre les murs car je souffre atrocement. Mon Dieu pourquoi ne puis-je pas aimer comme tout le monde ? Je grignoterais mes souvenirs comme tu dis, je me frotterais les mains au coin de mon feu et je t’attendrais patiemment mais je ne peux pas croire que je t’aimerais si je pouvais faire ainsi et j’aime mieux souffrir et t’aimer de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 265-266
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « pense-tu ».
b) « désire-tu ».
c) « pense ».

Notes

[1La veille, Juliette et Victor sont rentrés d’un voyage de deux mois en Allemagne, en Suisse et dans le sud de la France.

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