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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 juin 1842

11 juin [1842], samedi matin, 9 h. ¾

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon amour bien-aimé, comment le petit garçon a-t-il passé la nuit [1] ? Et toi-même, mon pauvre bien-aimé, comment vas-tu ce matin ? Je n’ai pas eu de chance hier, mon cher petit homme, je t’ai grogné pour ne pas te donner à souper, je t’ai regrogné pour ne l’avoir pas mangé. Décidément, je suis une vieille grognon abominable, indigne d’un aussi joli petit Toto aussi doux et aussi ravissant que vous. Mais aujourd’hui, mon Toto chéri, je compte me rajeunir et j’espère être aimable en conséquence. Vous pouvez venir tout de suite user et abuser de cette amabilité et de cette fraîcheur juvénile, je suis toute à votre disposition. Je ne vous dis pas encore tous les trésors que je vous réserve, venez seulement et vous serez le bien bienvenu, le bien fêté et le bien baisé sur toutes les coutures. C’est aujourd’hui ou jamais que tu dois endosser la feuille de figuier ou la feuille de vigne car il fait une chaleur tropicale qui vous invite à vous couvrir de votre nudité. Pour moi, je n’en peux plus. Cependant, si tu veux me payer une culotte de n’importe quel marronniera [2], je l’endosse à mort et sans craindre les frimas de 32 degrés sur la coloquinte.
Pauvre amour, je ris pour te faire rire un peu, mais je sais bien que ce n’est pas le moment de penser au plaisir tant que ce cher petit enfant ne sera pas entièrement guéri. C’est trop juste, mon adoré, et je le sens jusqu’au fond du cœur, mais dès qu’il sera en santé, je serai très gouliaffe, je vous en préviens, il me faudra du bonheur de tous les côtés et par-dessus les bords. En attendant, je vous aime de toutes mes forces et de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 129-130
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « maronnier ».


11 juin [1842], samedi après-midi, 2 h.

Mon petit Toto, je t’envoie mon amour, ma vie, mon âme dans un baiser. Prends-les, mon cher petit homme afin qu’ils ne soient pas perdus en ce monde et dans l’autre. Peut-être est-ce aujourd’hui et dans ce moment que tu as ta consultation [3]. Je désire et j’espère qu’elle te rassurera. Je prie le bon Dieu depuis ce matin pour qu’il te délivre de cette affreuse anxiété dans laquelle tu es depuis la rechute de ce pauvre petit bien-aimé. J’espère, mon adoré, j’ai la conviction que ce bon petit ange va retrouver la santé et toi la tranquillité dont tu as tant besoin. Tu serais bien bon, mon Toto, dès que tu le pourras, de venir me dire le résultat de cette consultation. Cela me donnera l’occasion de t’embrasser, chose dont j’ai toujours trop besoin. Je t’avais promis ce matin de me faire rajeunir aujourd’hui mais j’ai envoyé chercher inutilement le hideux coiffeur qui t’avait promis de venir et qui ne vient pas, de sorte que j’ai bien peur de rester dans ma décrépitude encore toute la journée. Certes, si je connaissais un moyen d’en finir avec cette absurde sujétion, je l’emploierais sans hésiter (avec votre permission, mon Toto, car avant tout, je ne veux pas vous déplaire). Jour Toto, jour mon cher petit o, j’étouffe de chaleur et je bois de la bière parce que je meurs de soif et que l’eau rougie me fait mal à l’estomac et ne me désaltère pas. Jour Toto, jour mon cher petit o. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 131-132
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1François-Victor, fils de Victor Hugo, se remet d’une maladie.

[2Les Marronniers étaient un restaurant réputé de Bercy.

[3Victor Hugo pense être atteint de la roséole.

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