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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 mai 1842

17 mai [1842], mardi matin, 10 h.

Bonjour mon Toto bien-aimé. Bonjour, bonjour, je t’aime. Comment vas-tu mon amour ? T’es-tu un peu reposé cette nuit ? Pourquoi n’es-tu pas venu dans mon dodo, je t’aurais bien soigné et bien dorlotéa mon cher petit bonhomme, pourquoi n’être pas revenu ? Si tu n’y prends pas garde voilà bientôt les Anglais qui vont débarquer et qui te barreront le chemin. Je t’en préviens, maintenant ça ne me regarde plus. Hier je n’aurais pas refusé ta proposition de sortir si je n’avais pas été si fatiguée. Depuis le matin je ne m’étais pas assise, j’avais été constamment dans la poussière et dans les chiffons. Aujourd’hui c’est bien différent, je n’aurai pas de remue-ménage à faire ni de mère Pierceau à traiter et si tu veux venir me prendre pour marcher, tu verras avec quelle ardeur je jouerai des jambes. Il fait un temps exquis depuis quelques jours et rien n’est [au-dessus ?] du bonheur de marcher au soleil si ce n’est d’être couchés ensemble à l’ombre dans un bon petit lit bien blanc. Mais comme tous les bonheurs parfaits, ils sont rares et durent peu. Si tu veux venir, mon petit homme adoré, je serai prête et je te suivrai partout en poussant mon cri de guerre : Quel Bonheur. Baise-moi en attendant, pense à moi et aime-moi. Jour Toto, jour mon cher petit o. Comment va l’autre petit Toto ? Bien, je l’espère. Voilà un temps qui va l’empêcher de tousser, ce pauvre petit ami. J’ai rêvé de lui toute la nuit. Je l’aimais, je les aime tous dans ta personne que j’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 49-50
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « dorlotté »


17 mai [1842], mardi soir, 5 h. ¾

J’ai auprès de moi la petite Lanvin qui est venue passer la journée auprès de Claire. Elle m’a annoncé la visite de sa mère pour ce soir après sa journée faite ; peut-être m’apportera-t-elle quelque nouvelle de M. Pradier. Je suis bien aise, mon amour, que mon conseil te plaise, il ne m’en plaît que plus à moi qui ne voit qu’à travers tes yeux adorés. Maintenant c’est fini pour toute la saison, plus de rien de rien du tout ni pour moi, ni pour ma fille. Pour toi, mon pauvre bien-aimé, les charges et le travail se succèdent sans cesse et sous toutes les formes, quand ce n’est pas sous la forme [illis.] c’est sous la forme conscription et contribution car aujourd’hui j’ai reçu le papier d’avertissement qui invite M. Lanvin employé à payer 17 F. 10 sous dans le plus bref délai. Demain ce sera autre chose et toujours la pierre roulera jusqu’au bas de la montagne où tu la remontes si péniblement. Mais qu’y faire ? Je n’ai pas d’état. Je suis incapable de tout autre chose que de t’aimer et c’est justement ce qui t’impose tout ce travail et toute cette peine. Mon pauvre bien-aimé quand je pense sérieusement à cela, je suis triste et j’ai du remords comme si je faisais une mauvaise action. Mais comment faire pour t’aimer et pour t’empêcher de te tuer en détail pour moi comme tu le fais tous les jours ? Tout ce que tu voudras je le ferai et de grand cœur et avec la plus grande joie du monde mon Toto bien-aimé et bien adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 51-52
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

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