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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 novembre [1839], jeudi matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon adoré Toto, bonjour, mon petit bien-aimé chéri. Bonjour, je t’aime. J’espère que tu n’as pas lu les stupidités que je t’ai écrites hier au soir ? Ou si tu les as lues tu les as oubliées ? Je souffre tant, mon Toto, quand je t’écris ces folies que vraiment c’est une pitié. Je m’applique tant à être irréprochable envers notre amour que tout ce qui a l’air d’un doute de ta part m’exaspère. Et je regarderais comme un manque d’amour et de piété envers ta chère personne adorée si j’acceptais, ou si je me prêtais, ou si je comprenais les plaisanteries que Mme Krafft voudrait faire sur toi. Elle n’en a jamais eu l’intention du moins à ma connaissance, aussi je trouvais ta supposition gratuitement méchante et injurieuse pour toutes les deux et c’est ce qui m’a tant affligée ; mais si tu veux oublier mes emportements d’hier et croire à mon amour et à mon honnêteté, tout peut encore se réparer et nous pouvons être très heureux comme des bons petits amants que nous sommes, n’est-ce pas mon Toto chéri ? N’est-ce pas mon adoré ? Juju est effroyable ce matin, Juju ferait peur au diable. Heureusement que vous êtes plus méchant et plus courageux que lui et que vous ne reculerez pas d’une semelle. Baisez-moi alors de toutes vos forces et tâchez de venir très tôt. Pauvre adoré petit homme, tu ne te reposes donc jamais ? J’espérais que tu viendrais ce matin. Je me suis même réveillée à l’heure où tu as coutume de venir mais tu n’es pas venu et j’ai été encore fort triste et bien malheureuse et je me reprochais ma stupide lettre d’hier. Mon Dieu que je t’aime, aieb pitié de moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 75-76
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « affigée ».
b) « aies ».


21 novembre [1839], jeudi soir, 4 h. ¼

Bonjour, mon adoré, bonjour du fond de l’âme et puisses-tu venir bientôt. Je t’attends, je suis triste, j’ai cependant bien travaillé aujourd’hui, j’ai posé moi-même mes panaches. J’ai fait récolte de toutes mes vieilles fleurs de chapeaux et de bonnets et je les ai mises dans mes pots, cela fait très bien et donne à ma chambre un petit air de fête qui n’est pas dans mon cœur car il m’est impossible d’être gaie en ton absence.
J’ai fait en outre une revue de mes nippes d’histrionne pour voir celles dont je pourrai tirer parti. D’abord une robe de veloursb noir fanée et qui me fera une très bonne robe de chambre dont j’ai le plus grand besoin, et puis enfin mon petit manteau de coulisse doublé et ouatéc [illis.] qui nous servira à tous les deux dans les matinées d’hiverd quand nous déjeunerons dans notre dodo. Il est parfaitement inutile de laisser manger aux vers et perdre ces choses-là puisque nous les avons et qu’il serait impossible d’en rien tirer en les vendant à titre de vieux chiffons. Tu ne viens pas, mon adoré, voici pourtant la nuit. Je suis triste, mon Dieu, surtout que je t’ai écrit hier une vilaine lettre et dont tu dois avoir été blessé. Pardonne-moi, mon adoré. Pardonne-moi et proportionne mon amour à l’excès de ma folie et de ma méchanceté. Je t’attends le cœur sur les lèvres et le repentir dans l’âme. Je t’aime. Je t’aime, mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 77-78
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « celle ».
b) « velour ».
c) « ouatté ».
d) « d’iver ».

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